Le retour au premier plan du FPÖ a constitué la principale révélation de l’élection municipale à Vienne. Avec 27 %, le parti d’extrême-droite retrouve presque son record de 1996 et vient contester l’hégémonie historique du SPÖ (sociaux-démocrates) sur « Vienne la rouge ». Les écologistes et les conservateurs de l’ÖVP sont relégués loin derrière.
Evolution des rapports de force aux municipales à Vienne
Après avoir été affaibli momentanément à Vienne comme dans le reste de l’Autriche par la participation à une coalition gouvernementale au début des années 2000 d’une part, puis par une scission avec le départ du leader historique du mouvement Jorg Haider d’autre part, le FPÖ a retrouvé une place centrale sur la scène politique viennoise. Sa forte progression (plus 12 points par rapport au scrutin de 2005) s’est principalement effectuée au détriment de la gauche : 45 000 voix ont été prises au SPÖ (soit 14 % de ses voix de 2005) selon une estimation de l’institut Sora. Mais le FPÖ a également capté 20 000 suffrages provenant de la droite traditionnelle et a bénéficié du soutien de 45 000 électeurs s’étant abstenus en 2005. Le parti d’extrême-droite se renforce dans ses fiefs populaires de l’est et du sud de la capitale : 36 % à Simmering, 33,6 % à Floridsdorf et 31,8 % à Donaustadt où il progresse respectivement 17, 16 et 15 points, quand les sociaux-démocrates y reculent de 9 à 12 points. Les sondages sorties des urnes confirment d’ailleurs cet enracinement : si 57 % des habitants en logement collectif sont restés fidèles au SPÖ, 29 % ont opté pour le FPÖ. Ce dernier est en revanche très faiblement représenté dans les quartiers huppés du centre comme Josefstadt ou Neubau. La question du cadre de vie a d’ailleurs constitué une variable importante sur le vote : le FPÖ arrive très largement en tête (60 %) parmi les électeurs estimant que « Vienne a beaucoup perdu en qualité de vie ces dernières années » alors qu’il n’obtient que 16 % parmi ceux qui jugent que « Vienne est une ville agréable à vivre ».
Comme l’analyse par quartier le laissait supposer, la sociologie du vote d’extrême-droite est très typée, comme on peut le voir sur le graphique suivant :
La sociologie du vote
Avec 40 % des voix, le FPÖ obtient son meilleur score parmi les ouvriers, chez qui l’alternative a semblé se réduire à un choix SPÖ / FPÖ, les autres formations politiques n’ayant aucun ancrage dans cet électorat. L’audience du parti d’extrême-droite est encore importante auprès des employés (24 %) mais plus faible parmi les fonctionnaires (15 %) ou les indépendants (17 %). Les retraités apparaissent également comme une catégorie assez fortement acquise au FPÖ (28 %), la variable d’âge étant au final moins déterminante que la classe sociale : 23 % en faveur du FPÖ chez les moins de 30 ans (les plus jeunes, le droit de vote étant fixé à 16 ans en Autriche, ayant fait l’objet d’une intense campagne, le leader du FPÖ, Heinz-Christian Strache, étant même allé jusqu’à enregistrer des chansons de rap), même score parmi les 30-59 ans contre 27 % pour les 60 ans et plus. Enfin, de manière assez classique, et conformément à ce que l’on observe dans d’autres pays européens, l’extrême-droite séduit davantage les hommes (28 %) que les femmes (20 %), et ce quelle que soit la tranche d’âge. Enfin, dernière catégorie plus acquise au FPÖ, les électeurs sans ascendance étrangère : ceux-ci ont voté à 26 % pour lui contre 16 % parmi les personnes issues de l’immigration, ce score non négligeable renvoyant au vote des communautés d’origine européenne, les Viennois d’origine turque ou maghrébine votant massivement pour les sociaux-démocrates (ce dernier parti obtient ainsi 55 % chez les personnes issues de l’immigration contre 43 % parmi les Autrichiens de « souche »).
Le sondage sorties des urnes de l’institut SORA permet enfin d’identifier les motivations de l’électorat du FPÖ. La sécurité et l’immigration arrivent en tête, suivies des thématiques sociales : santé, chômage et retraites. Si ces thèmes sont moins cités que les deux précédents, il est néanmoins intéressant de constater que ces enjeux sociaux sont plus évoqués par cet électorat que par les autres, preuve que, parallèlement aux attentes en matière de sécurité et de lutte contre l’immigration, l’électorat populaire soutenant l’extrême-droite autrichienne est aujourd’hui sensible à la dimension sociale de son programme.