– Mais, attendez- rien n’empêche d’en parler en interne. Entre gens sans préjugé. Théoriquement.
Les économistes dans les séminaires d’entreprises et les colloques universitaires soulignent la gravité de la crise des protéines, en rapport avec l’essor démographique et le tarissement des ressources.
Invités des cercles de réflexion et de prospective, les écologistes indiquent que, du point de vue de la souveraineté alimentaire, de la re-localisation de l’économie, et du respect de la bio-diversité, mieux vaut consommer un kilo de protéines autogènes, que de détruire un are de forêt amazonienne pour l’importer.
Les chimistes expliquent aux commissions parlementaires que la protéine, c’est de la protéine ; on peut lui donner le goût du veau, la couleur du saumon, un parfum de vanille, l’aspect d’une pizza.
Les anthropologues rappellent qu’il n’y a là rien de nouveau, le cannibalisme, y compris alimentaire est vieux comme l’humanité, et persiste dans certains endroits.
Les églises s’interrogent, et appellent au dialogue sur ce retour à l’authentique communion.
Les urbanistes regrettent le gaspillage de l’espace par les cimetières.
Les éthiciens remarquent qu’on est somme toute dans une variante du don d’organes et que l’important est le respect de la personne, et le caractère volontaire du don.
Une étude de l’Inra prouve la supériorité des farines anthropiques, leurs bénéfices pour la santé – élimination des virus et bactéries exogènes-, et leur rendement exceptionnel.
Les scientifiques des laboratoires de diététique moléculaire fustigent l’irrationalisme et l’obscurantisme des opposants aux recherches sur les Nouvelles Calories, qui voudraient nous ramener à l’âge de pierre et de la cueillette.
L’avis consultatif du comité des sages, représentants du gouvernement, du sénat, du parlement, de l’industrie, des églises, de l’académie des sciences, conclut en toute indépendance, que ceux qui n’aiment pas ça, ne doivent pas en dégoûter les autres ; que chacun doit avoir la liberté de choisir ; et que donc, au-dessous de 1 %, la mention d’homoprotéines dans un produit alimentaire n’est pas obligatoire sur l’étiquette.
Disposition d’ailleurs contestée et violée par la marque Soleil Vert. Soudain, une mystérieuse épidémie de fièvre porcine, attaque biologique ou mutation d’un virus en batterie, extermine le cheptel mondial, et il n’y a plus d’alternative aux Nouvelles Calories. Dans l’urgence de la famine, le gouvernement sort des projets de ses cartons – gouverner, c’est prévoir-, dont l’interdiction de la crémation et la réquisition de toutes les réserves de protéines disponibles.
Mais qu’on se rassure : nous vivons en démocratie. Nous n’allons pas fabriquer des clones pour les cannibaliser.
*En voyant le nouveau logo proposé par Carrefour « Nourri sans OGM» , je n’ai pas pu m’empêcher de penser à ce texte signé Pièces et Main d’Oeuvre. Il figure dans le livre « Terreur et Possession» qui est un « indispensable« .
N’est-ce pas beau de voir Carrefour dire « liberté de manger ou pas des OGM» ?
Dédicace amicale au Marcel Vert qui s’est laissé engluer dans ce genre de publicité !