Robert Goolrick est un écrivain américain dont Féroces est le premier roman.
Le narrateur porte un regard aiguisé sur sa famille, les Goolrick. Dans les années 50, tout le monde enviait ce couple uni qui courait les cocktails et fêtes en tous genres, toujours sophistiqués, toujours gais, toujours brillants. Leurs trois enfants semblaient eux aussi promis à un bel avenir.
Mais l'envers du décor est rarement aussi clinquant que l'endroit...
La puissance de l'écriture nous emmène allègrement sur les traces de cette famille si tourbillonnante. Le récit est passionnant, envoûtant, drôle quelquefois, tragique souvent, décalé tout le temps.
Le narrateur entre dans le vif du sujet de façon subtile et délicate : il plante le décor, parle de lui avec sincérité, peint quelques scènes familiales pour permettre au lecteur de cerner sa famille avant de véritablement ouvrir la porte qui mène aux vérités effrayantes... Ces vérités sont alors d'autant plus puissantes qu'il ne se perd pas dans le pathos et nous livre un récit très pur de ce qu'il a vécu.
C'est un homme qui souffre profondément et souhaite si ce n'est panser, du moins penser ses blessures pour que d'autres souffrent moins. Un grand homme...
" Ce que j'achetais ce jour-là ne changea strictement rien, et j'ai passé ma vie entière à en parcourir, des kilomètres à pied, à chercher une chose ou une autre, la chose qui ferait la différence entre ce que j'étais et ce que je voulais être. [...] Quelque chose qui me dirait qu'enfin je n'étais plus sans espoir, que je n'étais ni petit, ni faible, ni laid, ni pauvre [...].
Quelque chose qui viendrait apaiser la terrible beauté et l'inconsolable tristesse de la vie.
Je ne l'ai jamais trouvé. Je ne cesserai jamais de la chercher. " (p. 169)
Je dois avouer avoir quand même reçu un coup au cœur quand la " férocité " fut dévoilée. Mais une fois le temps du choc passé, je ne peux que m'incliner devant la puissance de ce texte essentiel.
Le titre français est mal choisi. Robert Goolrick avait intitulé ce roman : La fin du monde telle que je l'ai connue : scènes d'une vie bien loin de ce " Féroces "...
" Mon père est mort parce qu'il buvait trop. Six ans auparavant, ma mère était morte parce qu'elle buvait trop. Il fut un temps où moi-même je buvais trop. Les chiens ne font pas des chats. "
Sukkwan island de David VANN, Robert GOOLRICK, Traduit de l'anglais (EU) par marie DE PREMONVILLE, Editions Anne Carrière, août 2010, 20.50 euros
Merci à Julia GALLET des Editions Anne Carrière pour m'avoir permis de découvrir ce très beau roman.
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 17 décembre à 16:05
Je suis en train de lire ce livre et je viens de passer le chapitre de cette, effectivement, féroce révélation. J'ai choisi la même citation, celle de la page 169, pour la poster sur mon blog, c'est dire la force de ces quelques mots...