Au cours de ce mois d’octobre, nos politiques et énarques se sont répandus en lamentations, prétendant que chaque journée de grève avait coûté au pays entre 200 et 400 millions d’euros. La plupart d’entre nous, exceptés quelques-uns de nos grands seigneurs, dirigeants d’entreprises ou politiques, ne sont guère familiers des millions d’euros. De la même manière, je le confesse humblement, que les superficies parcourues (comme disent nos journalistes) par des incendies de forêt, exprimées en hectares, ne me permettent aucunement d’apprécier l’étendue de ces sinistres, les grandes sommes se situent irrémédiablement hors de nos possibilités de perception.
Il est cependant possible de se livrer à quelques raisonnements simplistes mais, espérons-le, pas complètement dénués de bon sens. En 2009, la production intérieure brute de la France s’est élevée à 58.000 milliards d’euros. Le niveau d’activité n‘est pas constant d’un jour à l’autre mais certaines industries fonctionnent en feu continu et l’activité commerciale reste soutenue, même pendant les week-ends. Il n’est donc pas outrageusement faux d’admettre que cette PIB a été obtenue en 365 jours. En divisant la PIB annuelle par ce nombre de jours de production, on obtient une production quotidienne de 159 milliards d’euros. Bien sûr, 400 millions d'euros, c'est énorme, mais cela ne représente jamais que 0,25% de notre production journalière. Gigantesque pas vrai ?
L’autre élément troublant est que ces éminences ont une fâcheuse tendance à confondre manque à gagner et perte, exactement comme d’autres patrons se sont plutôt focalisés sur leur chiffre d’affaires que sur leurs bénéfices. En vertu de quoi, il est loisible de perdre sur chaque article vendu mais de se rattraper sur la quantité, pas vrai ? Lorsque l’on perd, c’est de l’argent qui sort ; lorsque l’on n’en gagne pas, c’est de l’argent qui ne rentre pas et cela n’a pas exactement les mêmes conséquences.
La tromperie est encore plus énorme si l’on veut bien noter qu’une suspension d’activité entraîne une réduction sensible de certaines dépenses : plus de matières premières consommées, plus de fluides, ni eau, ni gaz, ni vapeur, ni électricité et surtout, plus de salaires ni de charges sociales. Or il ne faut pas oublier que ces derniers postes sont les plus lourds. La preuve en est que, lorsqu’une entreprise se trouve dans des difficultés auxquelles la compétence de ses dirigeants peut l’avoir conduite, la médecine la plus couramment appliquée est la suppression de postes de travail, délicat euphémisme pour désigner le renvoi de salariés, qui parfois peuvent être plusieurs pour un même poste. Ceci prouve bien que c'est du salaire que vient tout le mal. Quand ces fainéants se mettent en grève, plus besoin de les payer,d'où des économies considérables.
J’en viens à me demander si ces dirigeants sont des menteurs ou des incompétents. De fait, inutile de chercher plus longtemps, ils sont menteurs et incompétents.