Il y a un homme qui a fait la différence dans l’élection de mi-mandat que viennent de vivre les Américains. Il réussi à monter une armée d’individus dans tous les coins des USA pour voter contre le président et le parti démocrate.
Ce vote qui a permis aux Républicains de balayer les Démocrates est, en fait, un vote négatif. Et ce n’est pas moi qui le dis, mais un sondage auprès des électeurs à la sortie des bureaux de scrutin. Presqu’à l’unanimité, dans tous les États, dans les campagnes comme les villes, une majorité des électeurs a avoué avoir surtout voté « contre Obama ». Pourquoi ?
Depuis l’entrée de Barack Obama à la Maison Blanche, j’ai suivi sa démarche. J’en reste impressionné car il s’est avéré comme un des bons présidents que les Américains ont connus. Il a travaillé fort, a parlé intelligemment à ses concitoyens, a réagi efficacement à la crise économique et a fait voter des lois que peu de présidents ont réussi à faire voter dont celle sur la santé qui a permis à plus de 35 millions d’Américains d’être enfin protégés par un système d’assurance-maladie. Malgré tout cela, il est honni aujourd’hui par une majorité d’Américains dans tous les coins de ce grand pays.
Depuis plus d’un an, j’appréhendais le soir de l’élection « mid-term ». Ma crainte venait de ce que je percevais chez le polémiste Glen Beck. Il est un animateur d’une émission de télévision à la chaîne américaine Fox qui appartient au magnat australien des médias, Rupert Murdoch. Fox News est la dernière des grandes chaînes arrivées sur le marché Américain en 1997. Voyant un vide, Murdoch la campa complètement à droite pour promouvoir les positions politiques conservatrices. Elle le fait 24h /24, 7j/7 de façon très partisane. Aujourd’hui, Fox News a plus de 110 millions d’abonnés et est devenue une des chaînes préférées des Américains, au point que la compagnie vient tout juste d’annoncer, pour la dernière année, un accroissement des profits de 8% et des ventes publicitaires de 16%. Il faut reconnaître, en toute vérité, que la présentation des émissions est fort intéressante.
Glen Beck est un genre de René Lévesque du Québec du temps où ce dernier animait l’émission « Point de Mire » à Radio-Canada, et venait hebdomadairement expliquer aux Québécois et Québécoises, avec son ardoise et sa craie, l’évolution de la politique dans le monde. Nous étions tous accrochés à ses lèvres. Il était un vrai pédagogue. Lévesque, qui au début n’était pas très connu, a fait un tabac de son émission et est devenu une étoile de la télévision canadienne. Les Québécois et les Québécoises l’appréciaient et l’aimaient. Animateur responsable, honnête, très divertissant, clair et net dans ses propos, sa popularité fut si grande qu’il est devenu, avec le temps, premier ministre du Québec, et un des meilleurs.
Malheureusement, Glen Beck n’est pas un vrai René Lévesque. Il est un polémiste qui vise la controverse publique. Il joue avec les mots et les sentiments de ses auditeurs. Il a un objectif et il fait tout pour amener ces derniers où il veut. Il est habile, intelligent, un manipulateur hors de l’ordinaire, sur le petit écran tous les soirs à la même heure et très suivi. Dès les premiers soubresauts du « Tea Party », il a fait sien ce mouvement et s’est lancé tête basse dans la mêlée. Ses outils : l’ardoise et la craie; sa méthode : la démagogie. Il se fait professeur, enseigne, démontre, éclaircit, décortique les discours, interprète les affirmations et les projets de lois d’Obama comme s’il était un prix Nobel. Il a l’air vrai mais il est menteur. Il a l’air renseigné, mais il est manipulateur. Il a l’air d’un professeur, mais il est irresponsable. C’est un faux pédagogue, super habile et fort convaincant. Son auditoire est montée jusqu’à 3 millions d’auditeurs chaque jour.
J’ai réalisé le tort qu’il faisait lorsque deux des mes amis américains, dans des emails, m’ont recommandé l’émission télévisée de Glen Beck. Par hasard, les deux ont utilisé le même qualificatif pour le décrire : « il est très « éducatif ». Je leur ai répondu que Beck utilisait des « arguments tout croches », mais ils ne m’ont pas cru. C’est là que j’ai compris le danger pour Obama.
Depuis et souventes fois, aux nouvelles télévisées américaines, des gens bien ordinaires sont appelés à expliquer leur position anti-Obama. Chaque fois, j’ai remarqué qu’ils utilisaient les arguments de Beck, presque mot pour mot. Ce qui est le plus étonnant, c’est que ces gens critiquent, entre autres, le programme de santé d’Obama prétextant qu’il est trop coûteux, etc., alors qu’ils en sont les premiers bénéficiaires. De toute évidence, ils ne comprennent pas ce qu’ils critiquent.
Selon le New York Times, que Beck accuse d’être vendu à Obama, il a suggéré récemment aux chrétiens de quitter leur église si elle prêche la justice sociale et économique, car, dit-il, « ce sont des mot-codes pour communisme et nazisme ». Il est super-capitaliste, antisocialiste et s’oppose à tout ce qui peut venir de la gauche. Le problème est qu’il est persuasif et que ses arguments et explications deviennent des évidences dans l’esprit de ses auditeurs.
Son implication dans la récente période électorale a été très forte. Il a réuni à Washington des centaines de milliers d’électeurs pour une manifestation anti-Obama. Il a fait la promotion constante des teapartyers. Il a invité, moussé la candidature, appuyé et mis en vedette les candidats anti-Obama. Il a développé une influence profonde et une admiration étonnante chez l’Américain moyen qui est loin de comprendre la complexité des lois qui se votent à Washington mais qui gobe facilement ses explications démagogiques et simplistes du danger (qu’il invente) de ces lois.
Le résultat, c’est que des centaines de milliers d’Américains ont voté contre Obama à cause de Glen Beck. Et cela a fait la différence. Plusieurs candidats du « Tea Party » ont été élus. Mais ce qui compte surtout, c’est que des milliers d’indépendants et de Démocrates « mous » ont été convaincus par Beck de voter contre Obama et par conséquent pour les Républicains. Ajouté au noyau dur du parti républicain, ce nouvel apport de votes a fait la différence et a permis aux Républicains d’obtenir la victoire éclatante qu’ils ont obtenue.
Si Barak Obama et le parti démocrate veulent être réélus, ils devront tenir compte des actions néfastes de polémistes comme Beck, nombreux dans les médias américains, pour contrer, de façon persuasive, les arguments simplistes et démagogiques de ces derniers, afin de pouvoir ramener vers eux un nombre suffisant d’électeurs en 2012. Ce ne sera pas facile, mais c’est possible !
Claude Dupras
Ps. Durant les deux derniers mois, l’auditoire de Beck a diminué sensiblement car il a tendance à se montrer de plus en plus comme un leader politique au lieu d’un « entertainer » et cela plait moins à l’auditeur américain. Néanmoins, son auditoire actuel demeure supérieur aux auditoires combinés de toutes les émissions politiques équivalentes des autres chaînes qui se présentent comme ses compétitrices.