Andrée Chedid, L'Etoffe de l'univers : un testament
« I Prolégomènes » : une vie en quelques raccourcis éclairés par l'amour d'une mère hors du commun : Nous nous sommes terriblement aimées ; et par son mariage enchanté avec son cousin germain : Vive, à jamais plus vive, labourée et contente, j'étais dévastée dans le bonheur. (Cet amour est au cœur de son nouveau roman, Les quatre morts de Jean de Dieu.)
« II Qui je suis » : Ici commencent les vers. Questionnement ontologique : Qui est au logis / Dans l'intime de l'Etre ? Position de soi dans la morale, dans la société, dans le labyrinthe de l'âme, dans sa vie, dans le temps : Tu parcours tes saisons / Entre passions et cendres / A la poursuite de ta vie.
« III Je me nomme poète » : Andrée Chedid affirme son royaume, son art poétique : Page après page / Je m'effeuillette / Ligne après ligne / Jusqu'à me dénuder / Je dors sous la tonnelle / Je regarde le temps passer.
« IV L'autre » : Qui est cet Autre, qui donne son titre à l'un des romans d'Andrée Chedid ? L'amoureux, mais aussi le tout Autre, l'ami inconnu. Je recherche l'Autre / A force de m'écrire / Je me découvre un peu / (…) / Et je retrouve l'Autre.
« V Ma Terre » Le cosmos : Vaste est l'étendue / Elle est la sœur du temps. La Terre de la terrible Histoire humaine : J'avais perdu ma terre / En un jour de vacarme / En un jour de chagrin et de larmes. Et aussi la grande Terre du voyage, de la rencontre, de la fraternité : Mon pays est partout / Au bord des alentours / (…) / Dans le plus loin / Et dans l'ici.
« VI Vivre ». Jacques Izoard écrivait en 1977 que la Vie et la Destinée étaient les thèmes majeurs de l'œuvre de Chedid [2]. La Vie, Ce presque rien (…) Ce presque tout. En ses milliard de formes (…) La vie pullule / La vie m'échappe. La vie qui fuit : La clarté nous surprend / Déjà c'est crépuscule. La vie qui est révolte et résistance autant contre le temps que contre le mal : En fronde / En jacquerie / Je m'insurge / (…) / Résister au vents / Qui fracassent / Notre chant. La vie rythmée et cyclique, et pourtant imprévue.
« VII Vieillir » et « VIII Mourir » : Andrée Chedid n'a pas attendu le soir de sa vie pour réfléchir à tout le cycle naissance, vie, viellissement, mort, éternité. Elle revient sur ces sujets familiers avec une franchise renouvelée, presque dure : Il est temps de vieillir / D'accepter ce qui te revient / D'assumer encore et encore / A chaque crépuscule / Ce qui depuis l'aube / T'appartient. Enfin : Je plante là ma vie / Qui m'encombre / Se rabâche / Et me fuit. Et cependant, l'humour et l'amour de la vie, de sa vie, gagnent la partie : Je cède et la ressaisis / Pour quelques jours encore / Pour l'imaginaire des choses / Et le langage des fruits.
Benoît Moreau
[1] Robert Sabatier, 1988. Histoire de la poésie française, tome 6.3. Albin Michel.
[2] Jacques Izoard, 1977. Andrée Chedid, collection Poètes d'aujourd'hui. Seghers.
Andrée Chedid, L'Etoffe de l'univers, éd. Flammarion 2010, 153 p. 15 €