La réforme des retraites votée la semaine dernière, tout le monde l’admet, n’apportera qu’une solution temporaire au déséquilibre entre les ressources des régimes obligatoires et les charges croissantes représentées par les pensions.
Dans les années 80, quand on demandait à un salarié à quel âge il partirait à la retraite il répondait "autour de 55 ans". En 2008, à la même question, la plupart des personnes interrogées situaient cet âge à 57-58 ans donc encore en-deçà de 60 ans. Il y a toujours eu en France une culture du « départ anticipé ».
Qu’entend-on par « préretraite ?
Il faut distinguer les préretraites institutionnelles financées par l'Etat (FNE), les préretraites spécifiques (préretraite amiante ou pour travaux pénibles), et les préretraites "maison" payées intégralement par les entreprises. Le recours aux préretraites FNE est devenu rare. Pour dissuader les entreprises d’y recourir, depuis 2007, la loi a alourdi la contribution des employeurs les rendant de 25 à 50% plus chères.
Et si notre société entrait dans un cercle vertueux, celui qui consisterait à valoriser les seniors ?
En effet, les parties s’accordent toutes sur un point : il faut réussir à redresser le rapport entre les cotisants et les retraités en augmentant la proportion des personnes actives parmi les plus de 55 ans. Vœu pieux que tous les ministres du Travail caressent depuis une quinzaine d’années ? Non, pas seulement, car voici la clé pour « sortir de la crise des retraites par le haut en anticipant le financement des autres dépenses publiques liées à l’augmentation de l’espérance de vie, telle la dépendance[1]» (l’INSEE prévoit plus de 200.000 centenaires en France à l’horizon de 2050[2]).
L’image du « senior » reste négative
Aujourd’hui, la discrimination par l’âge existe vraiment et n’est pas sanctionnée. Force est de constater que les entreprises qui jouent le jeu du maintien au travail de leurs salariés de plus de 55 ans ne sont pas la majorité. Aux yeux de beaucoup de DRH, l’image du « senior » reste négative : coûteux, improductif, peu mobile, pas facile à manager… Vision caricaturale ? Certes, mais si chaque entreprise, quelle que soit sa taille, faisait le pari de valoriser le capital humain constitué par ses salariés en fin de carrière, au lieu de s’échiner à vouloir s’en séparer à bon compte (ruptures conventionnelles, plans sociaux), nous serions proches du but.
Ne pas perdre les compétences stratégiques
En encourageant « la flexibilité en fin de carrière, par exemple en réorientant le personnel plus âgé vers des tâches moins opérationnelles mais davantage liées à la transmission des savoirs [3]» nous éviterions des situations de perte de savoir-faire préjudiciables aux entreprises. Citons l’exemple d’Airbus Industries qui, il y a une dizaine d’années, avait cédé aux sirènes du rajeunissement à marche forcée de ses troupes. Résultat : des départs rapides et massifs de quinquagénaires ultra-compétents séduits par des conditions de préretraite attractives et surtout un savoir-faire précieux perdu avant d’avoir été transmis. Il a fallu plusieurs années à l’entreprise pour s’en relever, l’intégration des « jeunes » recrutés alors ayant été pour le moins « délicate » en l’absence de tuteurs aguerris.
Une question de santé publique
Pour le salarié, savoir qu’il aura une fin de carrière organisée dans son intérêt et celui de l’entreprise constitue une reconnaissance de sa valeur qui doit lui permettre de mieux accepter l’idée de travailler quelques années de plus que ses prédécesseurs.
De plus, l’INSEE a observé qu’à état de santé donné, on constate un net accroissement de la mortalité dans les mois qui suivent le départ à la retraite. Est-ce le changement brutal de rythme de vie ou la dépression causée par le sentiment d’être devenu inutile qui provoquent cette surmortalité?
En résumé, le croisement d'une hausse des ressources financières des régimes avec un rallongement raisonné des carrières en aménageant les dernières années de celles-ci (dans l'intérêt du salarié et celui de l'entreprise) résoudrait l'équation en prenant date pour le prochain défi de nos sociétés post-modernes: financer le coût de la dépendance.
[1] Philippe de Donder, Ecole d’économie de Toulouse in l’Expansion (numéro de novembre 2010).
[2] L'INSEE a compté 15 000 centenaires cette année, treize fois plus qu'en 1970, et projette qu'ils pourraient être 200 000 dans quarante ans.
[3] Philippe de Donder, id.