Joséphine naquit un 30 juin, entre onze heures et midi, elle aussi s’en souvient très bien.
Plénitude et délice à briser la coquille de l’œuf ! L’air devenait trop confiné, le temps trop rationné. Le moment était venu de bondir sur le perchoir, de déplier les pattes, de constater que le duvet blond manquait de brillance.
De là-haut, elle pouvait tranquillement observer toute sa terre et ses habitants : une « touteseule » derrière sa fenêtre ; dans sa vie d’œuf, Joséphine l’appelait Radar : sur le chemin de l’école, toujours derrière sa fenêtre, rien ni personne ne lui échappait ; nous y reviendrons peut-être.
Le soir venait très rapidement et là, Joséphine pouvait enfin voler longuement blottie sous l’aile de son père, suivre les chauves-souris, murmurer le ciel et tutoyer les étoiles étonnées.
La voix du père vibrait doucement contre l’oreille de la petite, traversait son nez, l’enveloppait douillettement dans la fraîcheur de la nuit : c’était le premier parfum vanillé poivré du premier soir de son premier jour.
J plus un plus deux… jusqu’à trente: pour une bonne croissance, il fallait absolument à Joséphine une terre rouge, une eau salée, un ciel chauffé et un soleil frappé. Pour réussir ce cocktail, elle pensait…elle rejoignait alors son père et collait des enveloppes et des enveloppes avec toute l’assurance dont elle disposait, étant bien persuadée, la langue pleine de colle, de figer toutes les rides qui froissaient le front de son père à chaque marée, happant au passage les jours plus facilement.
Elle repassait aussi, là, c’était côté mère, le linge ne faisant plus un pli. Les courses chez Mémène, la viande chez Lamontre, le temps s’écoulait joyeusement.
J plus que trente plus un jour : l’autre terre se laissait désirer. Nous découvririons ses côtes le lendemain. Toute la nichée devait faire une halte. La petite, toujours aux premières loges pour bien voir, eut l’éblouissement d’assister à l’un de ses plus merveilleux spectacles :
Son père prit la fiche qu’on lui tendait et dans un grand sourire pétillant qui aimantait les prunelles de Joséphine, écrivit gravement :
Don Pedro……… ………
Artiste …….. ……..
8 allée du Ciel …. …………
Fan