Avec ce nouveau documentaire sur son pays et le régime de Pinochet, le cinéaste chilien Patricio Guzmán relie le grand et le petit, l’Espace et l’Histoire, avec retenue et poésie. Brillant.
Si Nostalgie de la Lumière débute par le ballet d’un télescope centenaire, c’est pour mieux nous décrire la puissance que fut et qu’est encore aujourd’hui le Chili. Plus grand fournisseur de salpêtre — transformé en fertilisant ou en poudre à canon — au XIXème siècle, ce pays filiforme n’a eu de cesse d’être oublieux de son passé. Le désert d’Atacama, le plus sec au monde, a été le lieu d’une exploitation de ses ressources minières dignes de l’esclavagisme dont il ne reste aujourd’hui quasiment aucune trace.
C’est aussi dans ce désert que se trouvent aujourd’hui les télescopes les plus puissants du monde et où se construisent les futures antennes qui “entendront” le Big Bang. Et à l’heure où nous pouvons observer les galaxies, où l’homme est capable de savoir de quoi sont composés les étoiles lointaines, c’est avec ironie que Guzmán nous explique l’autre histoire de ce désert, forcément liée à Pinochet.
À cause de son humidité quasi-nulle, le désert d’Atacama permet de voyager dans le temps. Le passé astronomique tout d’abord, puisque c’est finalement le passé que les astronomes observent ; le passé archéologique où les traces sont restées quasiment intactes, momies précolombiennes ou fossiles d’un océan jadis présent ; le passé politique enfin — et surtout — avec l’un des camps de concentration du régime de Pinochet.
Ces parallèles surprennent d’abord puis, à force de mêler témoignages et poésie, viennent se nourrir mutuellement : les momies précolombiennes répondent aux corps sans noms des opposants, leurs os sont fait de la même matière que les étoiles, les astronomes cherchent vers les cieux là où les familles des disparus creusent dans le sable.
Au final, malgré son rythme très lent et posé, Nostalgie de la Lumière est l’incroyable portrait d’un pays qui veut à la fois oublier et trouver les réponses à des questions fondamentales. La poésie du film ne fait qu’appuyer le propos sans jugement d’un cinéaste arrivé au sommet de son art. Une réussite à tous les égards.
Sortie le 27 octobre 2010
Photo : © Pyramide Distribution