Blanche-neige et les lance-missiles

Par A_girl_from_earth

 

BLANCHE-NEIGE ET LES LANCE-MISSILES

QUAND LES DIEUX BUVAIENT - 1

Voilà un titre qui n'a pas échappé à mon oeil qui s'efforce pourtant de se faire tout petit quand il survole la blogo (protection des LAL et PAL oblige) mais il faut dire que je ne me lasse absolument pas des contes de fées détournés, revisités, parodiés, sacrilégiés, bref, et il me semblait qu'on était en plein dedans avec ce livre commenté par Snow sur le blog Littératures de l'imaginaire sur les 5 continents.

J'étais d'autant plus intriguée que l'auteure est française et que je connais peu d'auteurs français aimant s'aventurer dans ce genre, et j'étais encore plus intriguée par le fait que ce soit unE auteur-E!

Je ressors de ce livre bluffée et admirative devant le talent de cette femme qui ne manque pas d'humour et de déjanterie comme j'aime, qui a un sens aigu de la parodie et du détournement de l'univers des contes et légendes, qui manie le verbe comme personne, et surtout, qui semble s'éclater dans ses délires pleinement assumés.

J'ai vraiment été impressionnée aussi par l'apparente facilité avec laquelle elle passe d'un niveau ou style de langage à un autre - du vieux françois causé par la Belle au Bois Dormant qui, rappelons-le, a un siècle de retard sur ses contemporains, au Petit Chaperon rouge, alias Vareuse ici, au langage moins soutenu, voire grossier et rustique, en bonne paysanne de l'époque qu'elle est (j'ai adoré son personnage!).

Extrait de rigueur:

"Deux âpres heures plus tard, Aurore et peau d'Âne barbotaient dans une cuve remplie d'eau de la plus belle auberge de Carelaje. [...] Quant à la petite vareuse à capuche rouille, elle boudait en se chauffant les pieds devant un grand feu ronflant:

"Alors c'est ça, un bain? C'est dégoûtant."

[...]

- Nous, quand on s'lave, c'est un drap posé au fond de la rivière et point, nous.

[...]

- Qu'au moins l'eau elle est courante et qu'on marine pas dans son jus de crasse, nous...

[...]

- Hé ho, c'est pas plus sot qu'avec une paire de chaussons en forme d'anticyclone des Açores! s'insurgea Tute.

- Nenni, c'est pas, gloussa Aurore.

- Que quand même, partager son sale de fesse et d'entredoigts de pieds, ça c'est dégoûtant..."

Très forte vraiment cette auteure, beaucoup d'imagination, le sens de la mise en scène, du scénario et des dialogues envolés et imagés.

Cela dit, je me suis donc vraiment régalée des délires de l'auteur un bon bout de lecture, mais arrivée aux histoires de dieu, anges, démons, de purgatoire et d'enfer, j'ai trouvé que ça partait en chaussette. Il y a un moment où je ne suivais plus trop, ça partait trop dans tous les sens, en histoires parallèles et perpendiculaires, et j'ai un peu perdu le fil - mais même sans suivre l'intrigue, je tombais toujours sur des passages désopilants, ce qui me satisfaisait assez.

D'ailleurs ce n'est pas l'histoire en elle-même que j'ai trouvé intéressante, mais bien les personnages et la façon dont l'auteure nous les représentait, ainsi que leurs interactions.

A noter que ce tome est le premier d'un cycle intitulé "Quand les dieux buvaient". Ça m'a fait beaucoup penser aux Annales du Disque-Monde de Terry Pratchett dans l'ensemble.

L'auteur

Catherine Dufour est née en 1966. Elle a commencé à écrire des poèmes à l'âge de sept ans. Cinq ans plus tard, elle apprend que les poètes finissent tous trafiquants d'armes : elle jette ses poèmes et commence à écrire des nouvelles.

Vingt ans et quelques prix plus tard, elle découvre Terry Pratchett, et décide de tout recommencer à zéro. Ainsi naîtra son cycle Quand les dieux buvaient (prix Merlin), qui l'a imposée, avec son roman de science-fiction Le Goût de l'immortalité (prix Bob-Morane, Rosny aîné, prix du Lundi et Grand Prix de l'Imaginaire), comme une figure centrale de l'imaginaire actuel français.