Dimanche, je suis tombé sur Luc Ferry chez Poivre d’Arvor. Le moins que je
puisse dire c’est que Luc Ferry ne m’a pas laissé un souvenir impérissable au
ministère de l’Education, malgré tout, c’est un homme brillant et sa prestation
était intéressante.
Interrogé sur son engagement en 1968, il a rappelé qu’il était en province
donc un peu loin du front et que de toute façon il était gaulliste …et qu’il
l’est toujours.
Néanmoins, il a rappelé, sans agressivité, mais avec justesse le
fourvoiement de beaucoup d’intellectuels de l’époque en faveur de systèmes
autoritaires et criminels responsables de millions de morts. Intellectuels qui,
pour beaucoup, ont depuis largement évolué, sans pour autant reconnaitre leurs
magistrales erreurs. Ce sont d’ailleurs quelques uns de ces mêmes intellectuels
qui hurlent maintenant au scandale dès qu’un étranger en situation irrégulière
est renvoyé dans son pays !
Au-delà de ces questions, Luc Ferry, a en quelques minutes, exposé une des
thèses de son nouveau bouquin intitulé « La Révolution de l'amour »
dans lequel il défend l’idée que l'invention du mariage d'amour est, sur le
plan sociétal, l'événement majeur des deux derniers siècles en
Europe.
Je ne vais pas épiloguer sur ce point, ni discourir sur son livre que je
n’ai pas lu, mais une de ses remarques m’a interpellée car elle s’est, en
quelque sorte, entrechoquée avec les conclusions d’une récente étude de
l’INSEE.
Luc Ferry explique que la multiplication des divorces (1 couple sur 3 en
France et même 1 sur 2 à Paris) constitue, paradoxalement, une des conséquences
du remplacement du mariage « d’intérêts » par le mariage
d’amour.
En effet, alors que le mariage d’amour est par définition l’aboutissement
d’un choix dicté par la passion, le mariage d’intérêt était généralement imposé
par les parents sur des considérations presque uniquement matérielles pour
accroitre le patrimoine, pour assurer une descendance et donc des bras ou pour
évoluer dans la société.
Or, autant la passion est éphémère et finit immanquablement par s’étioler,
au bout d ‘un temps plus ou moins long, autant les raisons qui ont prévalues au
mariage d’intérêt sont durables.
En conséquence, si cet amour passion n’a pas laissé la place à une autre
forme d’amour, de tendresse, d’affection, appelons ça comme on veut, la rupture
devient sinon inévitable, en tout cas probable.
Tout cela m’a donc ramené à une étude de l’INSEE publiée fin Septembre qui
indiquait que contrairement à ce que l’on pense souvent, le niveau de vie
continue d’augmenter en France. Il a progressé de près de 2 % hors inflation en
2008, de presque 7% en 5 ans et de 15% en 10 ans.
Mais ce que cette étude relevait également, c’est que parmi les 8 millions
de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté, on trouve beaucoup de
familles monoparentales et plus précisément des femmes qui élèvent seules leurs
enfants !
Selon l’INSEE, en 2008, 30 % des familles monoparentales - « le plus
souvent constituées d'une mère et de ses enfants » - sont pauvres, soit
plus de 1,6 million de personnes.
Ce phénomène de paupérisation des femmes, a donc 2 causes, qui sont d’une
part, évidemment la démission de certains hommes vis-à-vis de leur progéniture
qui n’est pas suffisamment contrecarrée par la Loi, mais c’est surtout
l’éclatement du couple avec enfants avec la baisse mécanique de pouvoir d’achat
que cela entraîne. On estime à 30% pour chacun des ex conjoints, cette baisse
de pouvoir d’achat liée à la séparation d’un couple !
Et si, par dessus le marché, un seul des parents assume pleinement la charge
des enfants, c’est évidemment beaucoup plus !
C’est là que l’étude de l’Insee rejoint les propos de Ferry.
Comme une sorte d’effet pervers du mariage d’amour, de plus en plus de
couples se séparent et de plus en plus de femmes se retrouvent seules avec
leurs enfants, et en conséquence ont une vie de plus en plus
difficile.
Comme un paradoxe, le mariage d’amour, cette tendance structurelle de la
Société selon Ferry, conduit à fabriquer de plus en plus de pauvres.
Je ne vois pas de solution, sauf celle, illusoire, qui consisterait à
conseiller aux jeunes femmes à se méfier de leurs passions et à les prévenir du
risque qu’elles prennent à s’acoquiner avec un jeune homme !
Peut-être que la solution serait-elle de réhabiliter le mariage d’intérêts
bien compris… quitte à vivre ses amours à côté !