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Les yeux de ma soeur Anne

Publié le 31 octobre 2010 par Alain Dubois

Maison et camion abandonnésLoto-Québec propose un changement radical de sa mission. À toutes fins pratiques, le modèle d’affaires sera d’abord déterminé à l’international par la World Lottery Association … restera au Gouvernement du Québec à poser l’estampille. On ne pourrait pas créer une distance plus grande entre Loto-Québec et la RACJ ou le MSSS. Pourquoi? Depuis l’an 2000, un désintéressement de la population serait observable à l’égard des produits traditionnels de jeu.

Dans son Plan strategique 2010-2013, Loto-Québec affirme qu’un changement de mission est dorénavant nécessaire afin de s’ajuster à une cassure dans ses revenus, survenue approximativement en 2000 :

« En effet, dans son Plan de développement 2004-2007, Loto-Québec soulignait alors la rupture significative observée pour la première fois dans l’évolution de ses revenus. Après avoir crû à un rythme annuel dépassant 10 % durant les années 1990, l’augmentation des revenus de la Société atteignait à peine 1 % depuis le début des années 2000. On assistait même aux premiers signes de décroissance de certaines activités de jeu. Il devenait évident que les secteurs exploités par Loto-Québec entraient nettement dans une phase de maturité et que les divers objectifs économiques fixés représenteraient alors en soi un défi de plus en plus important. » (Loto-Québec, Plan stratégique 2010-2013, page 2)

Cette cassure ne serait pas temporaire et aurait été confirmée entre 2004 et 2010 :

« Les années 2004-2010 ont confirmé les nouvelles tendances amorcées au début des années 2000. » (Loto-Québec, Plan stratégique 2010-2013, page 4)

Pour appuyer ses dires, à la page 4 du Plan stratégique 2010-2013, Loto-Québec présente un histogramme très peu détaillé compte tenu de l’ampleur du changement radical proposé. On y analyse ici le revenu net global de l’entreprise.

Plan stratégique 2010-2013, page 4

Une analyse plus détaillée de la dépense au jeu de la population québécoise aurait été plus appropriée. La quasi-totalité des revenus de Loto-Québec provient de quatre secteurs d’activités : (1) les loteries traditionnelles, (2) les casinos, (3) la loterie vidéo, et (4) le bingo en réseau. Dans ses rapports annuels, Loto-Québec qualifie de revenu net l’argent perdu au jeu dans les casinos et dans la loterie vidéo. Le revenu net des loteries traditionnelles et du bingo correspond plutôt aux ventes. Pour calculer la dépense réelle de la population, il faut soustraire des ventes les lots remis aux joueurs. En ce sens, le revenu net global de ces quatre activités est un résultat où on additionne des pommes et des oranges. Je vous invite plutôt à analyser la dépense réelle de la population québécoise dans ces quatre secteurs de jeu.

Entre le 14 mars 1970 et le 8 octobre 1993, Loto-Québec n’a vendu que des loteries traditionnelles. L’ouverture du Casino de Montréal, l’implantation d’un parc d’ALV, et l’exploitation continue des loteries instantanées (gratteux) ont marqué, depuis 1993-1994, une première diversification considérable de l’offre de jeu. Les dépenses annuelles dans ces quatre secteurs sont présentées dans la figure suivante. La dépense annuelle correspond à l’argent perdu par l’ensemble de la population québécoise.

Dépense 4 activités de jeu 1993-2010

En vert, les loteries traditionnelles (incluant les loteries instantanées) poursuivent une courbe de saturation qui a débuté bien avant 1993. Il n’y a pas d’événement marquant en l’an 2000.

En bleu, la dépense au jeu dans les casinos poursuit une croissance régulière depuis 1996-1997. On note néanmoins une légère baisse en 2003-2004. Le 1 juillet 2003, Loto-Québec a pris l’initiative d’interdire de fumer dans les casinos.

En jaune, la dépense dans le bingo en réseau témoigne d’un déclin depuis seulement deux ans. Le bingo en réseau est une activité indépendante offerte dans les salles de bingo en surplus du bingo traditionnel. La dépense dans les bingos traditionnels n’est pas incluse dans ce graphique car le bingo traditionnel n’est pas géré par Loto-Québec.

En rouge, se trouve l’instructive dépense au jeu dans les appareils de loterie vidéo (ALV). Le reste étant remarquablement stable depuis longtemps, c’est là que la cassure s’observe. Et, les explications de cette cassure n’impliquent ni un phénomène de saturation, ni un désintéressement spontané de la clientèle, ni l’obsolescence des produits.

En avril 2001, le Gouvernement du Québec a transféré de Loto-Québec au Ministère de la Santé et des Services Sociaux (MSSS) la responsabilité de s’occuper du jeu pathologique. Or, à cette époque et jusqu’à présent, le jeu pathologique est surtout associé aux loteries vidéo. En mai 2001, le Gouvernement annonce conséquemment une série de mesures destinées à tenter de contenir les dommages causés par les ALV. Lors de la conference de presse, la Ministre des Finances annonçait que ces mesures allaient immanquablement avoir un impact à la baisse sur les revenus des ALV. Dans les faits, ces mesures ont stoppé temporairement la croissance.

Après que Loto-Québec ait interdit de fumer dans les casinos, on observe une reprise de la croissance de la dépense au jeu sur les ALV. Cette reprise se constate pendant trois ans jusqu’à ce que, le 31 mai 2006, le Gouvernement du Québec adopte la loi anti-tabac applicable partout, en particulier dans les bars du Québec.

Au Québec, il n’y a eu que deux cassures, en 2001 et 2006, limitées aux ALV. Ces cassures sont des événements provoqués par le Gouvernement du Québec pour des motifs de santé publique. En 2001, il était impératif de stopper l’accroissement des dommages découlant de l’utilisation des ALV parce que les impacts étaient de moins en moins limités aux seuls joueurs, et débordaient notamment sur les enfants et les adolescents. En 2006, la conscience des coûts du tabac a déclassé l’attrait des revenus du jeu.

Ce n’est certainement pas dans ces données financières qu’on peut constater l’obsolescence des activités de jeu offertes depuis 1993. Ce n’est pas dans ces données financières qu’on peut constater un impact de l’offre actuelle du jeu en ligne.


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