Trouvé ce samedi :
Envoi à Catulle Mendès, lui même grand amateur de pantomimes.
Et la fit de la sorte, en riant, rendre l'âme.
Th. Gautier
Notice
(à l'édition de 1886)
En 1881, l'amusement de représentations théâtrales, à la campagne, un succès imprévu dans le rôle de Pierrot, sous le masque blanc les vêtements flottants de Deburau, me faisaient brusquement m'éprendre de pantomime, et entre autres scénarios, écrire et jouer celui-ci : Pierrot assassin de sa femme.
N'ayant vu aucun mime, Paul Legrand ou Rouffe, n'ayant rien lu sur cet art spécial, j'ignorais toutes les traditions. J'imaginais donc un Pierrot personnel, conforme à mon moi intime et esthétique. Tel que je le sentais, et que je le traduisis, paraît-il, ce fut un être moderne, névrosé, tragique, fantômal.
Le manque de tréteaux funambulesques m'empêcha de pousser cette vocation excentrique, vraie folie d'art qui m'avait agrippée, et à laquelle j'ai dû des dépouillements de personnalité singuliers, d'étranges sensations nerveuses, et le lendemain des griseries cérébrales, comme celles du haschich.
Inconnu, débutant de lettres, sans comparses ni Colombine, je jouai, modestement, quelques monomimes dans les salons et en public. Des poètes et des artistes jugèrent ma tentative curieuse et neuve : MM. Léon Cladel, Stéphane Mallarmé, J.-K. Huysmans et M. Théodore de Banville, qui, dans une lettre étincelante d'esprit, me dissuadait, alléguant le public mondain trop... spirituel, et les beaux jours de la pantomime envolés.
S'il reste quelque chose de mon essai mimique, c'est la conception littéraire d'un Pierrot moderne et suggestif, revêtant, à son gré, l'ample costume classique ou l'étriqué habit noir, et se mouvant dans le malaise et la peur.
Cette idée, marquée dans ma petite pantomime (1), je le développai plus tard dans un roman (2) et je compte y toucher encore dans deux volumes qui seront : une étude de sensations d'art, et un recueil de pantomimes.
Dès lors, on me permettra de prendre date.
Petit est mon verre, mais j'y bois. Il serait injuste que mes prochains livres parussent s'inspirer d'un autre, et qu'on m'accusât d'imitation ou de plagiat.
Les idées sont à tout le monde. C'est, j'en suis persuadé, une concordance fortuite, qui fit succéder à Pierrot assassin de sa femme, une œuvre au titre similaire, et au personnage de Paul Violas, de Tous Quatre, un Pierrot qui le rappelle.
Je constate simplement ma priorité, et la réserve pour l'avenir.
Ceci dit, la sympathie que j'ai pour ce joli art de la pantomime, pour les Pierrot-Album de Willette, le Pierrot sceptique d'Huysmans et Hennique, m'induit à applaudir toute tentative qui ressuscitera, sur la scène ou dans un livre, notre ami Pierrot.Paul Margueritte.
(1) Pierrot assassin de sa femme. 1882. Schmidt, imprimeur.
(2) Tous Quatre, roman. 1885. Giraud, éditeur.
Voir : Souvenirs sur Mallarmé par Victor Margueritte.