Un relais de croissance, en période de crise, c’est important, ça, madame. Et s’il y a bien quelqu’un qui en sait long en matière de relais de croissance, c’est bien le fier Jean-Louis Borloo, qui s’emploie activement à en trouver un pour lui-même et dans quelques jours : Matignon en ligne de mire, il multiplie donc sa présence dans la presse. Et comme il manque cruellement d’imagination, il nous ressert son grand classique : un nouveau Grenelle.
Aaaah, le Grenelle ! Source inépuisable de petits papiers humides dans la presse qui, anesthésiée par de longues douches de chaudes subventions, n’a pas trop souffert de l’amputation de sa capacité d’analyse et nous ressert donc le thème sans scrupule : Grenelle de Ceci ou Grenelle de Cela, c’est très pratique et ça constitue actuellement une magnifique planche de salut pour celui qui veut s’en servir.
Et comme Jean-Louis en a déjà un à son actif, il ne se gêne pas pour le ressortir à toutes les occasions. C’est un peu comme un smoking : on n’en change pas à chaque nouvelle réception et même si celui du ministre a déjà bien servi, qu’il est très manifestement mangé par les mythes écolos et qu’il sent encore un peu la sueur de longues et pénibles réunions jusque tard le soir, Jean-Louis n’hésite donc pas à s’en emparer une fois de plus pour mieux se matignoniser.
Mais avant de se lancer dans l’étude de la nouvelle mouture de Grenelle que le ministre nous propose, jetons un œil rapide sur le bilan du précédent, le Grenelle de l’Envérolement l’Environnement ; c’est d’autant plus utile que, à écouter Jean-Louis, il est flatteur et plein de résultats concrets rutilants avec de vrais gros morceaux de produits bios, d’énergies renouvelables et de voitures électriques dedans.
À lire le véritable panégyrique qui en est fait notamment par l’equesstraordinhaire Jouzel, le climatologue réchauffiste qui émarge au CEA, tout se déroule comme prévu, quasiment sur les chapeaux de roue (en gomme renouvelable, attention) : une « dynamique est en marche« .
Très concrètement, cette dynamique se traduit par une pluie ininterrompue de taxes permettant de subventionner divers domaines comme les voitures à pédales électriques, l’éolien ou le photovoltaïque, que les pays voisins s’enorgueillissent d’avoir su mettre en place dans la joie et la bonne humeur : plus de la moitié des cobayes contribuables n’ont émis qu’un petit couinement plaintif ; les autres sont de toute façon déjà aphones d’avoir braillé dans les rues récemment.
Evidemment, cette vision éthylique idyllique est quelque peu contrebalancée par les associations de terrain, comme Greenpeace, les Zamis de la Terre ou le très sérieux et très existant pour de vrai sans rire Centre de recherche et d’informations pour le développement et la résistance à l’agression publicitaire ; pour ces dernières, ce Grenelle est un échec : la taxe carbone a fait flop, le malus des voitures n’est pas assez lourd, et les subventions étatiques sont moindres. C’est vraiment trop injuste : la bonne ratonnade fiscale s’est muée en petite tarte de minet anémique. Zut et rezut, à la fin.
De mon côté, je constate que je peux ressortir ce que j’écrivais déjà en octobre 2007 (3 ans pile, donc) :
Non, à n’en pas douter, le Grenelle de l’Environnement est une magnifique esbrouffe fumigène qui va nécessairement coûter beaucoup, apporter très peu en matière d’évolution environnementale, et, malheureusement, permettre encore un peu plus l’insertion forcenée de cette sociale-démocratie gluante dans les paquets de biscuits, les boîtes de conserves, les mouchoirs en papier et les pompes à taxes essence.
Le constat perdure : on s’est bien fait entuber, une fois encore.
Mais ça n’empêche pas le frétillant pilote d’essai chez Johnny Walker de nous vendre sa méthode pour … la fiscalité !
On n’a pas encore commencé à éplucher les propositions du premier-ministrable que, déjà, une sueur froide nous glisse le long du dos pour s’ajouter au réflexe glutéal parfaitement logique quand une nouvelle fournée de ponctions sodomites pointent le bout de leur foret à béton.
En réalité, l’idée de base est de vendre de la démocratie participative en faisant de grandes réunions pompeuses et pompantes, en réunissant autour d’une table tous les acteurs qui ont un intérêt à récupérer des sous ou des petits-fours sur le dos de l’Etat. Mais on peut légitimement se demander ce que, par exemple, les syndicats vont apporter dans la discussion fiscale qu’on imagine déjà houleuse. Quelle valeur ajoutée ces agents de l’immobilisme en marche saisonnière derrière de grandes banderoles vont-ils pouvoir apporter ?
Le plus amusant est qu’en réalité, le ministre explique sans sourire que tout ce bazar, étalé sur « six à neuf mois » (beau bébé !) permettrait d’aboutir à une nouvelle fiscalité … « pour les vingt ans à venir. »
Chouette. Et dans 20 ans, on remet ça ?
En attendant, on peut déjà gloser sur l’autre réflexe, celui de recul, d’une certaine quantité de députés UMP devant la proposition de Jean-Louis : parler fiscalité, c’est rouvrir, une nième fois, la plaie béante des ponctions incessantes sur les Français et surtout, c’est mettre le nez du président dans le caca de ses propres ambitions non tenues qui étaient, doit-on le rappeler, de ne pas augmenter les impôts à tout prix. Objectif largement raté tant l’avalanche de nouvelles inventions en provenance de Bercy commence à faire rouspéter même les plus ardents défenseurs du président – mais si, il y en a encore, il en a été repéré un ou deux dans un café du XVIème arrondissement, il y a trois jours.
Le constat est à la fois consternant et amer : Borloo, ici, ne joue que son petit air de flûtiau destiné à l’amener à Matignon.
Ceci est consternant parce qu’encore une fois, le politicien standard se fait mousser, et le fait en tentant de faire passer un échec mollasson en réussite retentissante, en appliquant une recette inadaptée à un problème majeur (la fiscalité); c’est aussi amer, parce qu’au final, on sait déjà que, dans le meilleur des cas, cela n’aboutira à rien de concret, et dans le pire … le contribuable va hériter d’un nouveau lot de prélèvements iniques.