Propos recueillis par Julie Cadilhac- Bscnews.fr/ Interview de Julien Bouffier, metteur en scène, pédagogue et directeur de la compagnie Adesso e sempre associée durant plusieurs années au Théâtre des Treize Vents, Centre Dramatique National de Montpellier, après avoir été en résidence pendant 6 ans à la Scène Nationale de Sète en couplant un travail au plan local, régional et national. La compagnie tourne actuellement avec deux spectacles brûlants de ferveur : Hiroshima mon amour et Les vivants et les morts. L'occasion de rencontrer un nouveau théâtre engagé et esthétique.
Bonjour Julien,Quel rôle attribuez-vous au théâtre?
Un moment de réunion, de rassemblement. Un temps de pause avec pour objectif l'émancipation de chacun.
- Le théâtre se doit-il d'être nécessairement dénonciateur et engagé pour vous plaire?
Il doit parler du monde, s'y intéresser, s'impliquer dans la société. Ce que je ne supporte pas, c'est un théâtre qui se regarde.
- Quelles sont vos références dramaturgiques? Quel metteur en scène, quel auteur de théâtre citeriez-vous en exemple? Je vais citer 5 metteurs en scène: Meyerhold, Vilar, Chéreau, Ostermeïer, Lepage et Brecht bien sûr pour les auteurs mais aussi Hugo. Shakespeare en revanche ne m'intéresse pas. Aujourd'hui le monter, c'est beaucoup se faire plaisir pour un metteur en scène. Je ne crois pas à sa contemporanéité. ça rassure surtout , tout le monde connait l'histoire mais je ne crois pas que le théâtre soit là pour rassurer.Beaucoup d'auteurs contemporains m'intéressent aussi comme Falk Richter ou Angelica Liddell, Jean-Yves Picq et bien d'autres. Mais peut-être que je devrais citer plutôt des hommes d'images comme inspirateurs: Godard, Lynch,Lars Von Trier...
- Pourquoi êtes-vous devenu metteur en scène? Avez-vous été comédien longtemps avant de passer de l'autre côté de la scène?
Car le statut d'acteur est insupportable. Je préfère choisir quelles histoires je veux raconter et être responsable de mon rapport au public. Au début, j'ai essayé de jouer et de mettre en scène en même temps mais c'est trop dur et puis le travail d'acteur demande un état de concentration dont je ne suis pas capable.
- Quelle histoire pour le nom de votre compagnie? D'où est né Adesso e sempre?
Adesso e sempre est la devise du héros de la première pièce que j'ai montée lorsque j'étais au lycée. "Maintenant et toujours" me semblait être une belle devise pour le théâtre. Adesso e sempre s'est constituée au lycée Molière à Paris. Nous étions tous en option théâtre. Et puis nous sommes venus nous installer à Clermont -l'Hérault. Et là, nous avons de la réussite.
- Vous avez joué récemment votre pièce Hiroshima mon amour à Beyrouth? Quels souvenirs de cette expérience?
Cela donne du sens à notre métier. Grâce à ces représentations, je sais pourquoi nous avons eu raison de monter ce spectacle. La guerre est présente à chaque coin de rue à Beyrouth. Elle hante leur passé et reste aujourd'hui un avenir possible. Hiroshima mon amour parle de ça, les méandres de la mémoire, l'importance de s'en servir pour dépasser les cicatrices du passé.
- Le public là-bas est-il différent car plus sensible du fait de la réalité environnante? Une anecdote à raconter sur cette perception différente du spectacle?
Le titre de la critique du plus grand journal francophone du Liban: "Celui qui n'a rien vu à Hiroshima aura tout vu à Beyrouth". Pas mal, non? Nous avons eu notre première coupure de courant en pleine représentation. Et la réplique qui suivait était "ça aurait été trop simple". Le théâtre s'en sort toujours!
- Vous aimez mettre sur scène des musiciens, pourquoi?
Parce que je préfère les gens aux machines! Nous faisons du spectacle vivant. Et puis j'essaye de raconter des histoires avec leur présence...
Je continue de m'interroger sur ce qu'est la présence d'un acteur et sa confrontation à l'image. Qui est plus vivant? Et pourtant qu'est-ce qu'on regarde le plus? Je cherche, je mets en perspective, en abîme.
- Cette énergie de la révolte qui vous a séduit dans le roman de Gérard Mordillat, comment l'avez-vous représentée sur scène?
Nous n'avons jamais travaillé assis. Nous étions toujours en mouvement. Je demandais à la chorégraphe (Hélène Cathala) de leur faire travailler le mouvement. Le texte n'arrivait qu'après. Nous cherchions d'abord un état physique.Les répétitions sont allées très vite. Il y avait une urgence incroyable.
- C'est une pièce qui évoque terriblement l'actualité....
L'excitation de l'équipe venait peut-être de là. L'impression que nous faisions quelque chose d'important, que nous étions des portes-parole. Le problème, c'est que le roman a maintenant 5 ans et c'est toujours d'actualité. C'est inquiétant, non? Il faut donc raconter encore et encore.
- A la fois très contemporaine ( avec des références à la télé-réalité par exemple et l'utilisation de technologies modernes) et très universelle par les thèmes abordés.....
Oui, le théâtre doit chercher formellement, se confronter aux médias d'aujourd'hui. C'est ça aussi faire du spectacle vivant.
- C'est toujours une pièce en deux volets de quatre heures chacun?
Oui mais la seconde partie sera un peu plus courte et est complètement modifiée.
- Il existe une nouvelle adaptation de la pièce? comment l'avez-vous fait évoluer?
J'ai beaucoup retravaillé la seconde saison. Il y avait un problème de rythme.
- Quelles sont les prochaines dates et lieux où l'on pourra découvrir le travail de votre compagnie?
Après les représentations des Vivants et des morts au Théâtre Jean Vilar de Vitry sur Seine du 19 au 28 Novembre ( toutes les dates sur adessoesempre.com) avec une intégrale le 27, je crée un texte de Sylvain Levey, Costa le rouge fin Janvier 2011 en Seine Saint Denis. Puis nous reprendrons Hiroshima mon amour et nous organiserons la troisième édition du festival Hybrides à Montpellier et puis nous commencerons notre prochaine création sur Théâtre et Actualité où nous jouerons aux journalistes...