Pascal Riou a publié tout récemment Sur la terre, aux Éditions de la revue Conférence.
Une année de plus tu vois les feuilles
s’amasser le long des murs,
faire leur tournis imbécile avant la cendre
ou de pourrir.
Ton regard se courbe,
las de la tâche incomblable.
Reste la lumière ; non celle que le vent fouette
et disperse, mais immense et infime,
l’autre, immense et intime,
– et le silence où tu t’appuies.
•••
Les feuilles du noyer auront donc tenu jusqu’à presque
l’hiver parfait. Elles sont tombées
ce matin de gel avec une justesse évidente
comme on l’entend chez Bach
dans ces descentes de doubles ou triples croches :
art de la fugue, catastrophe admirable, sobre
et relancée – mesure pour mesure.
Puis le vent fut la raison des dernières
et seule une grande dépouille toute dressée
dans le ciel d’hiver
•••
À marcher ainsi sous ces branches qui ploient
mais vont plus belles encore d’êtres chargées de pluie,
je te laisse monter, limpidité d’aimer
Je fais, autant se peut,
que les jumeaux opaques du sexe et de la mort
ne te recouvrent pas, toi qui pèses si peu.
Toi qui n’ignores rien des pantins que nous sommes
si l’abject nous retient, mais t’en moques et reviens,
qui persistes et demeures quand même
l’indifférence paraît graisser le cœur,
habite-en-nous,
viens dresser la table, nappe de clair silence
dans le printemps si doux des grands tilleuls en fleurs,
où bouge, selon l’heure et le jour,
un peu d’or parfois très pâle.
Pascal Riou, Sur la terre, Éditions de la revue Conférence, 2010, pp. 48, 50, 71.
Bio-bibliographie de Pascal Riou
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