Du nouveau au 28, Barbary Lane. Nous sommes en 1977, à San Francisco, une ville libérée et unique où évoluent nos héros : la délicieusement candide Mary Ann Singleton, Michael l'ami gay indispensable, Mona l'ancienne hippie, Brian le séducteur invétéré, le tout sous l'égide de la formidable Madame Madrigal. Alors que Mary Ann part draguer au Mexique avec son ami "Mouse", Mona, elle, part se ressourcer au Nevada au hasard de ses pas : elle y fera une découverte surprenante. Quant à Brian, aurait-il trouvé son double au féminin en la personne de cette voisine qui l'observe avec des jumelles?
Pour ce second tome, Armistead Maupin fait encore plus fort que dans "Chroniques de San Francisco", un tome d'exposition pourtant déjà déjanté. Oui, on y trouve des péripéties plus étonnantes les unes que les autres, oui, il y a des révélations (tirées par les cheveux, mais l'on commence à avoir l'habitude), de nouveaux personnages, des morts, des arrivées, des départs. Armistead Maupin a ce don rare de pouvoir dépeindre avec un certain réalisme le quotidien, la vie qui passe. Évidemment, c'est souvent tiré par les cheveux, mais qui oserait dire qu'il n'a jamais été surpris par les coïncidences assez dingues que l'on rencontrer dans la vraie vie? Les personnages de la "série" ont tous l'air de se croiser, de se connaître, décidément, it's a small world. Le plus invraisemblable devient réalité. Comme, au fond, dans la vraie vie, où l'on se retrouve fréquemment face à des situations que l'on juge d'ailleurs "dignes d'un roman".Certes, des fois, cela va un peu loin, mais c'est ce qui fait le charme des livres.
San Francisco continue donc à se dessiner sous nos yeux de lecteurs, et l'on en redemande. L'on s'attache de plus en plus aux personnages : Michael est de plus en plus touchant, Mary Ann reste émouvante dans son rôle de cruche charmante là où d'autres auteurs auraient lassé. Armistead Maupin développe davantage le thème du coming out, dans une société qui n'était pas encore tout à fait prête pour cette liberté sexuelle : Michael se heurte à des parents intolérants, très catholiques et homophobes. Doit-il leur révéler qui il est, et prendre le risque de perdre leur affection, ou rester silencieux? Michael est obligé de grandir dans ce tome, et occupe de plus en plus le devant de la scène, pour notre plus grand plaisir.
Il évoque des sujets difficiles à traiter, les sectes, la maladie, la vieillesse, la mort. C'est tout un art de traiter de sujets sérieux avec autant d'humour, de sorte que l'on rit avant de comprendre que ce n'est pas aussi léger qu'il n'y parait. Armistead Maupin crée avec brio de petites saynètes, des dialogues pétillantes qui font tout le sel du livre, lui donnant énergie et vivacité. En somme, un second tome dans la lignée du premier, encore plus fou. Vivement la suite.