Ce mercredi 27 octobre avaient lieu les obsèques de Georges Frêche à la cathédrale Saint-Pierre de Montpellier. Environ 1 500 personnes étaient rassemblées à l’intérieur de la cathédrale, le double à l’extérieur.
Il n’entre pas dans mes intentions de surenchérir sur les hommages plus ou moins sincères rendus à Georges depuis sa brutale disparition, que de faux-culs au siège du parti socialiste, rue de Solférino ! Mais simplement de livrer un témoignage.
La dernière fois que je l’ai rencontré, c’était à 5 jours du premier tour des élections régionales, le 9 mars, dans une librairie nîmoise où il dédicaçait : « Trêve de balivernes » (éditions Héloïse d’Ormesson), un livre savoureux et très personnel. Quelques jours auparavant, la campagne électorale battait son plein, j’avais arraché une dizaine de panneaux en carton installés, de façon sauvage et anonyme, sur le tronc des arbres qui bordent le quai de la Fontaine et qui le représentaient sur fond de sa déclaration : « Je suis élu par les cons » [traduire : « le quidam de base »]. Au fond je n’avais fait rien d’autre que de précéder les services municipaux…
J’avais stocké le tout dans le coffre de ma voiture. J’ai dit à Georges : « Je m’en débarrasserai dès le lendemain du second tour des régionales ». J’ai ajouté : « L’espace d’une demi-heure, j’ai eu l’impression d’être un activiste du frêchisme ! » Il avait souri : « Je te remercie », une parole rare chez les politiques.
Cette anecdote pour dire combien il était capable de susciter l’adhésion à sa personne et à son action. C’était quelqu’un que l’on tutoyait spontanément, avec lui on ne sentait pas de distance malgré son charisme impressionnant.
Dans les médias nationaux, Robert Ménard est l’un des rares qui en ont parlé avec justesse et intelligence, y compris pour souligner ses travers. Il y a environ vingt-cinq ans Ménard travaillait à « Radio-France Hérault » et il côtoyait le personnel politique local, nous étions chez lui à deux pas de la mairie de Béziers et je l’avais interrogé : « Quel est l’homme politique de la région qui t’a le plus impressionné ? », sans hésitation il m’avait répondu : « Georges Frêche » ; déjà. Certains diront que c’est le pied-noir qui parlait en lui, Georges avait su comprendre et capter cet électorat trahi par d’autres, mais ce serait réducteur, car il se voulait le représentant de la totalité des communautés montpelliéraines. Le clientélisme de cet agrégé de droit romain n’était rien d’autre que l’avatar de celui des patriciens envers les plébéiens dans la Rome antique.
De lui, comme tant d’autres, je retiendrai avant tout le bâtisseur infatigable, celui qui avait l’ambition de relier Montpellier à la Méditerranée et d’ancrer ainsi la ville dans son passé gréco-romain, il rejoignait en cela le rêve du poète (Leconte de Lisle) :
« Je ressusciterai les cités submergées
Et celles dont le sable a couvert les monceaux »
Il demandait douze ans, deux mandats, pour réussir à faire de la région ce qu’il avait fait, avec ses équipes successives, de Montpellier passée en une génération de la vingt-cinquième à la huitième place des villes françaises :
« Un laboratoire d’idées et d’actions qui intéresse le pays tout entier. Un territoire où la prospérité nouvelle fondée sur une économie non délocalisable repose sur le rassemblement de toutes les forces » (discours du 1er octobre 2010 à l’occasion de la 3e convention régionale des élus).
Le sort n’en a pas voulu ainsi. Mais sa mort à l’hôtel de Région, un dimanche soir, est magnifique. Elle contribuera à la geste de cet empereur de Septimanie.