Dans son rapport du 26 octobre 2010, on pouvait craindre que l’Académie des Sciences se contente de présenter les arguments pour et contre la thèse du réchauffement dû à l’homme, sans prendre parti. Il n’en n’est rien, l’Académie se « mouille », et le rapport affirme clairement que l’homme est responsable du réchauffement du climat. Voici ses principales conclusions :
" - plusieurs indicateurs indépendants montrent une augmentation du réchauffement climatique de 1975 à 2003.
-cette augmentation est principalement due à l’augmentation de la concentration du CO2 dans l’atmosphère.
- l’augmentation de CO2 et, à un moindre degré, des autres gaz à effet de serre, est incontestablement due à l’activité humaine.
- elle constitue une menace pour le climat et, de surcroît, pour les océans en raison du processus d’acidification qu’elle provoque.
- cette augmentation entraîne des rétroactions du système climatique global, dont la complexité implique le recours aux modèles et aux tests permettant de les valider.
- les mécanismes pouvant jouer un rôle dans la transmission et l’amplification du forçage solaire et, en particulier, de l’activité solaire ne sont pas encore bien compris. L’activité solaire, qui a légèrement décru en moyenne depuis 1975, ne peut être dominante dans le réchauffement observé sur cette période.
- des incertitudes importantes demeurent sur la modélisation des nuages, l’évolution des glaces marines et des calottes polaires, le couplage océan‐atmosphère, l’évolution de la biosphère et la dynamique du cycle du carbone."
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Le débat entre climato-sceptiques et réchauffistes est-il clos ? Pas sûr. On peut noter la formulation prudente, qui affirme le réchauffement de 1975 à 2003 seulement. Il est vrai qu’avant 1975, les satellites ne jouaient pas leur rôle actuel. Dans le détail du rapport, on apprend que le réchauffement a été de 0,8°C depuis 1870, avec une forte irrégularité. Mais depuis 2003, on devrait savoir ce qu’il en est. Très probablement un refroidissement, qui, avec cet automne froid actuel, semble se poursuivre. Pour combien de temps ? Et pourquoi ces irrégularités ? On ne sait.
Le taux de CO2 responsable de ce réchauffement serait passé de 280 à 388 ppm de 1870 à 2009, soit une augmentation de 38% en 139 ans. Pour les prévisions du climat du futur, il y a un consensus général sur un doublement du taux de CO2, ce qui par extrapolation des 0,8° constatés, conduirait à une augmentation de température de 2,1°C. Le rapport indique, pour un doublement du CO2, une élévation de température de 1,1± 0,2 °C, auquel il faut ajouter une rétroaction positive de la vapeur d’eau de 0,5 à 1°C. Soit au total, un réchauffement de 1,4 à 2,3°C pour un doublement du CO2, cohérent avec l’extrapolation de 2,1°C.
La différence de climat entre Paris et Lyon
Tout ceci pour dire que l’augmentation de température à craindre jusqu’à l’épuisement du carbone fossile semble être de l’ordre de 2°C. Soit la différence de climat entre Paris et Lyon. Pas de quoi fouetter un chat. Ces chiffres ne tiennent pas compte des phénomènes difficilement modélisables comme les nuages, mais on peut se satisfaire de l’extrapolation de l’historique récent, ce qui a une bonne crédibilité.
On reste sur sa faim en ce qui concerne l’étude des climats passés. Le rapport mentionne simplement que le taux de CO2 a parfois été beaucoup plus élevé que maintenant, 10 fois plus à la fin de l’ère des dinosaures, par exemple. On peut remarquer qu’aux époques où le taux de CO2 était beaucoup plus important, comme le carbonifère, le climat était uniformément tropical, avec un fort essor de la vie végétale et animale. Pas plus tard qu’au pliocène, il y a 2 et 3 millions d’années, la température moyenne de nos régions était plus élevée de 6°C par rapport à aujourd’hui, le niveau des mers 25 mètres plus haut. C’est pourtant de cette époque que date notre ancêtre Lucy, et le réchauffement ne l’a pas empêché d’avoir descendance… puisque nous sommes là. Notons aussi que lorsque le taux de CO2 était très élevé, il ne semble pas qu’il y ait eu de catastrophes de la vie marine, par suite de l’acidification de l’océan.
Un juste millieu
Un autre point nécessiterait quelques explications supplémentaires des sages. Le rapport indique que les carottages de l’Antarctique ont montré sur 800 000 ans une variation d’une période de 100 000 ans liée à la variation d’excentricité de l’orbite terrestre, qui fait varier la distance de la Terre au soleil. Ces variations induisent un réchauffement, suivi d’une augmentation du taux de CO2, probablement dû au dégazage de l’océan quand il se réchauffe. Or, si la théorie du réchauffement par le CO2 est vraie, ce réchauffement supplémentaire devrait induire une nouvelle augmentation du CO2, donc un nouveau réchauffement… il y aurait un risque d’emballement du climat. Or il n’en est rien. Mystère, donc.
Concluons en saluant le travail accompli par l’Académie, qui, s’il n’éteindra pas les controverses, les atténuera. L’objectif d’économiser les combustibles fossiles en est renforcé. Mais le rapport ne donne pas raison aux catastrophistes qui nous prévenaient : "Attention, on va griller !"
Yves Garipuy est ingénieur et économiste spécialisé en énergie. Il tient un blog qui traite de problématiques énergétiques.