Le Conseil européen a décidé, le 16 septembre dernier, de se doter d’une stratégie commerciale fondée sur la réciprocité avec les partenaires stratégiques de l’UE. Il y a lieu de s’en réjouir. L’approche fondamentalement libre-échangiste de la Commission européenne en matière de politique commerciale extérieure ne doit pas, en effet, mener à trop de naïveté comme l’a souligné un rapport intitulé “Quelle politique commerciale européenne après la crise ?“. Elle ne doit pas non plus amoindrir la fermeté nécessaire qui sied aux dialogues avec des partenaires commerciaux pas toujours loyaux dans les échanges internationaux et à son statut de première puissance commerciale mondiale.
A quelques jours de la publication par la Commission européenne de sa Communication pour une nouvelle politique commerciale, on est enclin à espérer que ces fils rouges seront repris avec vigueur et conviction.
Le basculement géoéconomique du monde tend à considérer la vieille Europe comme un acteur “à la peine”, soulignait récemment La Tribune (1er octobre 2010). La réalité est, pourtant, encore intangible ; l’Union européenne dispose d’une puissance commerciale, pour l’heure sans équivalent, sur laquelle elle ne communique pas et ne se repose pas pour faire valoir ses points de vue. Une position de leader doit nécessairement donner une posture avantageuse par rapport à nos partenaires stratégiques ; tel n’est pas le cas de la relation de l’Europe avec les États-Unis ou avec la Chine par excellence.
La faute aux États ? En fait, la politique commerciale européenne relève, de par les traités, d’une compétence commune, en aucun cas fragmentée comme le sont d’autres domaines. On peut là encore s’en féliciter. Mais qui joue le jeu ? Voir les délégations nationales des États membres de l’UE défiler les unes après les autres dans des capitales étrangères “donne des idées” à Beijing, Washington ou Delhi qui sont tentées de tirer parti de cette cacophonie – quand déjà ils la comprennent – qui obère le message européen que l’on veut faire passer et la crédibilité de celui-ci sur un ensemble de thèmes plus larges que les questions commerciales. Comme le rapportait The Economist dans une de ses récentes éditions, si l’Europe dispose, désormais, d’un numéro de téléphone unique via le poste de Catherine Ashton, “when the secretary of State [i.e. Hillary Clinton] dials it, all she gets is a recording: “For French foreign policy, press 1. For British foreign policy, press 2…”.
Si l’Europe parvenait à recentrer ses objectifs, éviter toute dispersion, parler d’une même voix, faire valoir ses intérêts avec fermeté et volontarisme ainsi que l’autorise sa position de première puissance commerciale mondiale, sa confiance en elle s’en trouverait réveillée tout comme le regard des autres s’en trouverait modifié.
Si les Européens observaient cette nouvelle posture au plan commercial – on n’ose dire également au plan économique par la définition d’une politique industrielle et d’innovation à long terme –, le basculement que le monde observe aujourd’hui ne serait probablement pas aussi prompt, ni complètement irréversible.
Comme quoi l’avenir de l’Europe tient à peu de choses. D’autres diront à beaucoup.
Mais, somme toute, c’est une question de volonté politique…