Sans ami, je préfère manger dans les toilettes

Craignant les railleries de leurs camarades, de jeunes universitaires japonais s »enferment dans les toilettes pour leur pause-déjeuner.

Le système universitaire japonais est calqué sur celui du « college » americain. Pour y entrer, il faut souvent passer plusieurs années à réviser une série d’examens ardus et économiser pour s’affranchir de droits d’inscription démesurés.Une fois étudiant, le jeune japonais doit tout faire pour s’insérer dans ce milieu particulier. Prendre part aux cours de sports, entrer dans des « clubs » – il y en a pour tous les goûts – sont autant de moyens pour y parvenir. Qui saute une classe, part un an à l’étranger ou ne prend pas part à ces activités risque de ne pas trouver de camarade avec qui partager son repas du midi. Hors, à en croire un article de l’Asahi Shinbun, manger seul face à son assiette au Resto-U nippon est une punition terrible pour bien des étudiants. Nombre d’entre eux, trouvant intolérable d’être vu engloutir leur déjeuner. avec pour seuls compagnons deux baguettes en bois, préfèrent s’enfermer dans les toilettes. Ce phénomène étrange est appellé benjô-meshi (repas dans les toilettes).

Il y a quelque temps maintenant, une étrange affichette a fait son apparition dans les toilettes de l’université de Yokohama. Il y est indiqué qu’il est interdit de fumer, de gribouiller les murs et… de manger. Un symbole de caméra y paraît également. Les étudiants de cette université – pas vraiment ravis de se sentir observés en ces lieux – ont protesté auprès de l’administration. La direction de l’université a nié avoir jamais collé ce message incongru. Bien sûr, aucune caméra n’a jamais été posée dans les toilettes. Les auteurs de cette mauvaise plaisanterie étaient en réalité des étudiants qui, pour railler leurs camarades, ont confectionné cet écriteau. L’affiche a été mise en ligne et s’est vite retrouvée dans les toilettes de plusieurs autres établissements

Les psychologues spécialistes des milieux universitaires s’inquiètent de ce phénomène qui pèse sur l’avenir de ces étudiants, parfois résignés à quitter l’école faute de s’y insérer socialement. Certains deviendront peut-être hikikomori, ces Japonais qui s’enferment chez eux pendant des années, n’ouvrant la porte de leur chambre que pour recevoir de la nourriture de leurs parents. La société japonaise est un ensemble de groupes et de sous-groupes dont l’organisation lie les individus entre eux, créé une grande solidarité permet à la majorité de la population de s’insérer. Mais la pression qu’elle exerce en contrepartie est insupportable pour de nombreux jeunes, qui se marginalisent pour devenir hikikomori ou encore benjô-meshi.

(Cette image est une mise en scène)