Cours de cuisine italienne à la Cucina di Casa Mia

Par A Bride Abattue @abrideabattue
Mia Mangolini ne fait pas de fausse promesse. C'est bien dans la cuisine de sa maison qu'elle accueille ses élèves. Elle habite une minuscule villa, dans une rue où les rebords de fenêtres sont illuminés par la flamboyance des capucines d'automne.
Il existe en effet dans le XIX° arrondissement de Paris un quartier construit comme une cité-jardin à l'anglaise qui, malgré un nom exotique (la Mouzzaia) m'évoque tout de suite un petit coin de Touraine et sa légendaire douceur angevine.
Les plantes grimpantes, le fouillis où murissent encore de jolies grappes de tomates cerises, le salon de fer forgé, la grande cheminée et le calme nous invitent à la paresse. Tablier noir et torchon blanc nous rappellent à l'ordre. Mia enseigne la cuisine italienne. Et nous sommes venus pour apprendre les bases de la fabrication des pâtes fraiches.
Nous ferons ce matin des tagliatelles aux châtaignes et des raviolis au potiron. les ingrédients sont prêts. Tout est déjà pesé. L'essentiel est d'être suffisamment initié pour oser reproduire les gestes plus tard chez soi (ce que j'ai fait avec un peu moins de bonheur mais sans perdre l'envie de recommencer).
Malgré quelques pauses, stylo et/ou appareil photo à bout de bras j'ai réussi régulièrement à rattraper mes retards pour m'acquitter des tâches imparties.
Pour vous ce sera inutile de prendre des notes : vous repartirez avec recettes et conseils sur un recto-verso plastifié. Vous absorberez les conseils de Mia comme la farine intègrera l'eau et l'œuf. Avec facilité.
1ère étape : la pâte fraiche
Si secret il y a c'est dans l'équilibre entre le sec et l'humide : exactement 100 grammes de farine pour 1 œuf entier à température ambiante. Comptez 105 grammes si vous mettez 5 grammes de tomates ou de tout autre composant pour parfumer vos pâtes ... des herbes finement hachées, du safran, du café, et même du cacao ... mais jamais de sel.
Une fois la technique acquise on pourra se lancer dans des variantes. En Ligurie on remplace l'œuf par du vin blanc. Dans d'autre régions on emploie de la bière.
Historiquement ce sont les Étrusques qui ont pétri les premières pâtes fraiches (farine et œuf) alors que les pâtes sèches (blé dur et eau) viennent d'Afrique. Deux traditions radicalement différentes qui se sont rencontrées en Italie. Les premières usines usines se sont installées dans les ports de Naples et de Gênes où les séchoirs bénéficiaient d'une ventilation naturelle. Ces deux noms ont longtemps désigné le format. La gênes préfigurait la fettucine.
Mia nous encourage à plonger l'index dans l'œuf et à tourner avec régularité et patience. On obtient vite un pâton que l'on va pétrir à la manière du chat qui écarte et resserre se griffes sur un coussin mou. Il faut agir avec force et détermination. On laisse reposer au moins 30 minutes à température ambiante sous un film étirable pour éviter le dessèchement.
2ème étape : farce et sauce
Les élèves se déploient autour du plan de cuisson sans vivre le stress d'un épisode de master-chief. Chacun à son poste exécute les ordres avec application. Aucune fatigue à écraser les amaretti sous le pilon thaïlandais. Le parmesan frise sous la râpe microplane. Le laurier sera cueilli frais dans le jardin. Les cèpes, magnifiques, se laissent caresser sous le pinceau pour aller en beauté fondre dans un beurre qui embaume le romarin. Ce serait criminel (et peu économique) d'en retirer le foin. On fera juste sauter les pieds coupés en gros dés deux minutes de plus dans la poêle.
Une musique apaisante n'est pas couverte par les crépitements des feuilles de la sauge qui frit sans brûler. Le cours est censé durer trois heures mais l'horaire n'est qu'indicatif. On prendra le temps qu'il faudra pour que ce soit bon, voire excellent.
Mia s'arrête pour nous parler des produits et des artisans où elle s'approvisionne.
L'ail est rose. On casse la noix de muscade au casse-noix pour la libérer de sa dure enveloppe de macis. Le sel fin est un sel marin gris qui a été pilonné. Les fleurs de fenouil proviennent d'un boucher toscan capable de réciter la Divine Comédie de Dante. Sa table d'hôtes célèbre une cote de bœuf entière à la fiorentina quand il n'est pas devant les caméras de télévision à vilipender le scandale de la vache folle.
Quand Mia est pressée elle emploie du bouillon en cubesmais en veillant à ce qu'il ne contienne pas de glutamate, un poison pour la santé qu'il faut traquer dans les listes d'ingrédients. On retiendra la leçon !
On se souviendra aussi qu'une farce pour ravioli doit inclure un ingrédient qui absorbera l'humidité (ici ce seront les amaretti).
3ème étape : le façonnage
Le laminoir est idéal pour étirer la pâte des raviolis. On passe une fois dans chaque épaisseur et deux dans la plus fine.
On marque légèrement la dimension des raviolis comme une couturière trace son patron, avant de poser la farce à la cuillère au milieu de la première moitié de chaque bande.

On replie la moitié libre par dessus en appuyant du centre vers les bords pour chasser l'air et faire adhérer les deux parois.
C'est ensuite qu'on découpe avec la roulette qui en fait écrase plus qu'elle ne tranche. Il ne faudrait pas que le ravioli s'ouvre dans l'eau de cuisson ...
C'est la phase la plus fastidieuse et nous sommes prêtes de renoncer. On adopte sans réserve la préconisation qui nous semblait farfelue tout à l'heure. La prochaine fois nous servirons plutôt 6 grosses pièces à chacun de nos invités que 36 de taille classique, ce qui représentera six fois moins de travail. Originalité garantie car la taille XXL n'existe pas dans le commerce.
La découpe des tagliatelles est rapide et peut s'effectuer sans matériel professionnel. Pourvu qu'on ait un rouleau à pâtisserie assez lourd, de la force et une bonne technique. On pose sa boule refaçonnée en un cube sur le plan de travail fariné et on étale la pâte au rouleau en appuyant en partant du centre vers l'extérieur.
Il faut tourner la pâte de 90° et l'inverser presque à chaque fois. Persévérer jusqu'à obtenir une feuille fine (et très longue). On la plie ensuite plusieurs fois en deux, toujours dans le même sens,en farinant une moitié. On s'arrête quand l'accordéon fait la surface d'une demi-main.
On peut alors trancher au couteau à grande lame, à la largeur correspondant aux pâtes que l'on veut obtenir (1 cm pour des tagliatelles). Tous les 4-5 morceaux on déplie délicatement la bande que l'on pose à cheval sur un barreau du séchoir ... ou de tout autre bricolage"maison" à partir de baguettes.
Dans une heure elles seront suffisamment sèches pour être plongées dans l'eau bouillante et rejoindre la sauce aux cèpes.
4ème étape : dégustation
La chef avait promis qu'on mangerait nos préparations mais elle ne nous avait pas annoncé un repas complet. C'est en vraie hôtesse qu'elle nous invite à passer à table. Elle a composé de jolies assiettes d'antipasti aux couleurs du drapeau italien pendant que nous fatiguions sur la confection des raviolis.
Le jambon est toscan, le pain sarde, les câpres siciliens et la roquette tente d'affirmer un soupçon d'amertume qu'une huile d'olive très fruitée s'empresse de calmer.
La sauge croque entre deux raviolis fondants.

Les tagliatelles (dans une proportion de farine de châtaignes pour un quart, de T55 pour les trois autres) s'accordent avec les champignons. Le vin frais rouge se laisse boire.
Mia nous fait encore la surprise d'un dessert, classique et indétrônable, avec une coupe de tiramisu, avant de clôturer sur un expresso. Quatre heures auparavant je n'imaginais même pas que je saurais en faire tant. Chacun se sent en confiance pour reproduire l'expérience avant de revenir pour de nouveaux apprentissages.
Pourquoi pas le risotto (mercredi 3 novembre) et l'emploi des truffes (samdi 20) ... ? Les cours sont programmés les mercredi de 18 à 21 heures et les samedis de 10 à 13 heures. Programme complet sur le site de Mia : http://www.cucinadicasamia.fr/