“Réparer la république abîmée“. Par ce slogan les élus socialistes réunis fin septembre lors des journées parlementaires de Pau entendaient donner le tempo à la rentrée politique. Le mouvement de contestation sociale généré par la réforme des retraites témoigne, par sa durée et son ampleur, que le mal est profond. De nombreux français exaspérés par une société redevenue d’ordres retrouvent des accents de sans-culottes et rêvent, à défaut de grand soir, d’une nuit du 4 août. Autant dire que la remise en ordre de marche de la République nécessite plus qu’un simple bricolage. A cette aune, sans aller jusqu’à évoquer une refondation, François Hollande, à mi-chemin, évoque une “réhabilitation“.
Nicolas Sarkozy a assurément bon dos et pour une fois, personne ne s’en plaint. Le président de la république, dans une stratégie du one man show qui lui est propre, cristallise désormais sur sa personne toutes les rancoeurs, toute la violence d’une société dont les repères ont volé en éclats sous les coups de boutoir de la mondialisation et l’explosion des inégalités.
En grossissant le trait à l’extrême, par son usage caricatural du pouvoir, Nicolas Sarkozy au titre d’une présidence décomplexée aura eu au moins le mérite de toucher du doigt les limites d’une république décadente, aux institutions sclérosées, gangrénée par le copinage et l’affairisme, et de fait, confisquée par un petit nombre.
L’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy marque l’avènement de la république du bling bling où l’argent roi est en permanence célébré et la réussite individuelle portée aux nues. Un climat spécial dont dans un cri du cœur involontaire jacques Séguéla a donné la devise en déclarant que “si à 50 ans on n’a pas une Rolex, on a raté sa vie“.
Attention toutefois à ne pas conclure qu’il suffit de casser le thermomètre pour qu’il n’y ait plus de fièvre. Un Sarkozy peut en cacher un autre moins démonstratif, moins flambeur, plus rusé mais issu du même moule. Celui de ces corsaires qui pensent que l’intérêt général peut être constitué de la somme de leurs intérêts particuliers et que, le détournement des moyens de l’État à des fins personnelles est légitime à défaut d’être légal. A cet égard, l’actuel Chef de l’Etat ne manque pas de rappeler la grande hypocrisie et les coups de canifs répétés portés à la morale publique par ses prédecesseurs.
“La République va mal, la politique de Sarkozy y porte atteinte et nous voulons la remettre à l’endroit. Nous allons lancer un message très combatif et montrer par nos contre-propositions que nous préparons les conditions de l’alternance“, déclarait en septembre lors des journées parlementaires socialistes Jean-Marc Ayrault, le patron des députés PS.
Devenu un parti de notables, d’élus ou d’obligés d’élus, le PS est en manque d’un lien fort avec la société qui rend ses propositions peu crédibles et adaptées aux attentes des citoyens.
La défiance, l’une des mamelles du populisme, est forte et sévit à l’encontre du système représentatif, des formations politiques et plus grave, à l’égard du suffrage universel, bien aidé en cela par le mode de construction européenne.
La confiance ne se décrète pas. Faute de pouvoir la rétablir par un coup de baguette magique, elle ne peut se regagner lentement que par un discours cohérent, lucide et franc, en totale rupture avec les discours qui depuis au moins deux décennies, faute de courage politique, laissent à penser que la France est à l’abri du monde et que les déficits peuvent être sans fin.
L’atterrissage n’en a été que plus rude. L’endettement, la mondialisation et son cortège de migrations de masse son aujourd’hui habilement utilisés pour tout justifier et notamment la mise à sac des valeurs constitutives de la république.
Dans un entretien accordé au quotidien Le Monde le 19 septembre dernier, François Hollande mettait en garde contre les risques de pourrissement et invitait la gauche à donner un coup de collier intellectuel. ” L’affaiblissement de l’Etat, les blessures infligées à la République, l’abaissement du Parlement, les affaires ne sont jamais bons pour la démocratie. Si la gauche escomptait retrouver le pouvoir grâce à ce climat, ce serait dans les pires conditions. La décomposition de la majorité nous oblige à élever le niveau et à préparer plus vite que nous ne l’avions prévu l’alternative. Il ne faut plus seulement dénoncer, ajouter ad nauseam des arguments à l’antisarkozysme, il faut ouvrir un autre chemin, offrir un espoir au pays, bref, lui redonner de la fierté “.
François Hollande a au moins le mérite de proposer une pensée des plus abouties à gauche qui confirme l’entreprise de préparation de l’ancien premier secrétaire socialiste à assumer les charges de la magistrature suprême.
Désireux d’emprunter ” le chemin de l’alternative crédible “, le député de Corrèze est persuadé que la victoire ne se construit pas sur une décomposition mais, que c’est une force qui se lève pour faire mouvement. “Je dis que l’on ne peut pas en rester au constat de la déliquescence, de la République abîmée, de la dérive des institutions. Il faut nous projeter dans la France de 2012, reprendre le récit de la République depuis deux siècles. Elle a su surmonter des épreuves bien plus grandes que celles d’aujourd’hui. Elle doit relever le défi de la mondialisation et du capitalisme financier qui ne vont pas disparaître par enchantement au prétexte que la droite aura été battue. Il y aura des efforts considérables à faire. Nous n’y parviendrons qu’en rassemblant la France sur l’avenir de sa jeunesse… Il faudra faire des choix, hiérarchiser nos dépenses et nos recettes. Au printemps 2011, ce n’est plus la synthèse des synthèses que le PS devra proposer mais l’ordre des priorités, la cohérence d’ensemble de son projet “.
Le leader socialiste se distingue de ses camarades par la volonté d’entreprendre une réhabilitation. “La République, c’est à la fois le progrès et l’égalité. Un progrès, pas seulement économique, social, mais humain, écologique et qui affirme la nécessité d’une production de richesses, de biens, de services. Aujourd’hui, la possibilité même du progrès est en cause. Il faut la réhabiliter. L’autre vecteur, c’est l’égalité, là se situe la confrontation idéologique et intellectuelle avec la droite. L’égalité, c’est finalement ce qui a manqué à la présidence Sarkozy, dans tous ces choix - fiscalité, éducation, retraites. Il faut donc revenir au récit de la République pour retrouver le rêve français, celui qui donne à chaque génération la perspective de vivre mieux que la précédente“.
La remise à plat de la république passe pour l’ancien chef du PS en premier par la réforme fiscale. “ Il ne s’agit pas de revenir à je ne sais quel égalitarisme ou de faire de l’impôt une punition, mais de poser l’acte préalable à toutes les autres réformes. C’est la réforme fiscale qui permettra de rendre l’effort partagé et de favoriser le travail”.
Condamné à être combatif et très présent médiatiquement pour pouvoir espérer tirer son épingle du jeu des prochaines primaires, François Hollande a jugé, dimanche 31 octobre, dans Dimanche soir politique, une émission réalisée en partenariat par I-Télé, France Inter et Le Monde, que, “c’est l’injustice qui aura été finalement la marque” du quinquennat de Nicolas Sarkozy. L’occasion également d’affirmer au passage que les “conditions objectives” d’une défaite de ce dernier à la présidentielle de 2012 étaient “réunies“.
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