C'est une fête sans connotation religieuse et basée exclusivement sur une alliée à moi: la folie. Elle a lieu l'automne, une saison que j'aime beaucoup et représente pour bien des gens, plus inhibés j'imagine, un rare moment de folie dans leur octobre gris.
Sans parler de la psychologie Haloweenesque.
Elle a bien sursauté comme un chat persan face à un enfant turbulent hier matin mais c'était juste moi qui bavait comme un crapaud à ses côtés.
J'ai eu beau faire tous les efforts pour éviter de la faire tomber dans ce cliché éculé de la petite princesse, j'ai même soigneusement évité de prononcer les syllabes Prin-ces et se pendant 7 ans mais rien n'y a fait. Elle est tombée dans le piège des petites filles. La princesse pour la fille c'est l'équivalent du fantasme de l'inspecteur privé pour le gars. Le gars qui rêve du rôle de l'inspecteur privé, rêve aussi de la femme fatale, entièrement dévouée à son mec qui la traite avec peu d'égard mais qui la comble au lit où elle a les plus grands talents et les plus originales ambitions. La fille qui rêve de principauté, rêve aussi du garçon qui lui sera entièrement dévoué, lui multipliant les cadeaux et les compliments sur sa beauté, et la comblant au lit là où son épée sera aussi tranchante qu'alléchante.
Bon...à 7 ans on a pas encore ses idées là mais la base s'y forme.
"Es-ce que je suis belle?" a-t-elle demandé à une femme qui lui donnait des bonbon.
"ben c'est suuuuuuuuuuuuuuuuur" a-t-elle dit avec un entrain emprunté et fatigué.
"Punkee, on ne demande pas ce type de chose, si on te trouve belle on n'hésitera pas à te le dire mais on ne demande pas si on est belle à toutes les portes" lui ai-je dit, car c'était bien la quatrième fois qu'elle le demandait. Je ne voulais pas lui faire affronter l'ado qui lui dirait "Ouin, moyen!".
"On ne demande jamais si on est belle?" a-t-elle demandé, adorable.
"Ben....on le demande avec les yeux, c'est mieux".
De toute façon, adulte, ce sera ainsi, aussi bien la préparer en conséquence.
Comme la mère de la petite Melissa de la classe à mon fils était là aussi dans un costume de Cheerleader, j'ai fait semblant que je ne la regardais pas mais ma douce m'a fait remarquer que je bavais sur le bitume. Je me suis demandé qui avait mis un flasque de whisky dans ma main, mais ma main savait quoi faire avec en communion avec mes lèvres. La fraîche soirée se réchauffait.
C'est sans trop m'en apperçevoir que j'étais devenu le leader du groupe de mon fils et que nous bottions de toutes nos forces les citrouilles décoratives dans le quartier. Les défonçant bien sûr, le petit Mathieu y a même laissé un espadrille.
Je me trompais je venais de croiser Joseph Facal.
Puis j'ai vu une femme déguisée en clocharde.
"Héhé très joli le costume de clocharde!" lui ai-je dit en comprenant tout de suite d'après sa réaction que madame Lemenu était en tenue habituelle.
"ooooh! attention les amis, un tigre!" ai-je annoncé au club des 4 pré-ados qui me suivaient Nous croisions un chat. Erreur encore, c'était vraiment un tigre, qui lâche lousse des tigres dans le 450? Décidemment la soirée dérapait. On a fui autant qu'on a pu. Le jeune Pierre-Karl faisant dans sa culotte, ruinant du même coup son costume de SpiderMan. Mon fils, dont le faux sang avait coulé ailleurs que sur la tempe (dans les yeux) s'était pêté la gueule sur un lampadaire en avalant la moitié de son faux dentier (ce qui l'a fait vomir) et nous avions perdu les filles.
"Monsieur Jones, vous êtes trop cool!..." m'a dit Nicolas qui représentait le dernier ami sans dommages collatéraux puisque l'un courait aveuglé par le sang, pocké et suintant le vomi, l'autre s'était pissé dans la combine et l'autre courait un pied à l'air et l'autre abrillé d'un espadrille.
"...Surtout quand vous sacrer les boites à malles par terre!" a-t-il rajouté.
"Hein?"
Semblerait que chaque fois que nous avions croisé une boîte à malle, j'ai insisté pour démontrer l'art de la mise en échec.
Nous sommes allés sonner aux portes sans même attendre de réponse. Nous courions. Il semblait que c'était tout ce que nous faisions. Nous fuyions le tigre, les gens amers de voir leurs citrouille éclatées sur le perron, les sirènes de police qui chantaient au loin, on ne savait trop mais on courait.
À bout de souffle, on s'est réfugié dans un McGros. J'ai donné un de mes espadrilles au petit Mathieu par charité pour le reste de la soirée.
"J'en ai d'aut' dans mon maison" j'ai dis, feignant un faux accent anglais pour les gens qui me regardaient (Mike Cammalleri n'oubliez pas).
La police est arrivée tout de suite après avec ma douce moitié et ma fille.
J'ai passé la nuit au violon mais bon...Cammalleri a bien été suspendu cette saison.
J'étais pas mal plus convaicant dans mon personnage que cette fille déguisée en Anne-Marie Losique qui refusait les avances de M.Cauchon. (Après vérification semblerait qu'elle n'étais pas déguisée elle non plus...)
Au moins je n'aurai pas laissé mon fils faire le cave avec ses amis.