Avant de vous apporter mon ressenti sur cette pièce qui sera jouée durant tout le mois de novembre 2010 au Théâtre du Grand parquet, dans le 18ème arrondissement de Paris, je ne peux m'empêcher de revenir sur la rencontre d'Afriqua Paris de jeudi dernier qui m'a vraiment décidé à aller voir cette pièce. La compagnie théâtrale BlonBa était l'invitée de cette rencontre ainsi que le romancier algérien Yahia Belaskri pour son nouveau roman Si tu attends la pluie, elle vient d'en haut. Les échanges furent très intéressants malgré un public amaigri par les grèves à répétition. Jean-Louis Sagot-Duvauroux nous présenta le concept BlonBa d'une compagnie théâtrale à cheval entre l'Europe et le Mali, les récentes productions de cette compagnie et surtout son actualité avec le passage de la pièce Sud-Nord sur TV5 Monde à partir du 5 novembre 2010. Les comédiens Adama Bagayoko, Michel Sangaré et Maïmouna Doumbia ont achevé de me convaincre par l'aperçu qu'ils nous ont proposé de la pièce, entre français et bamanan.
Le Théâtre de L'Arlequin de Morsang sur Orge fut une première découverte ce soir. Je ne connaissais pas cette salle à proximité de chez moi, en Essonne. J'ai été tout de suite emballé par cette pièce que je prenais en cours. Un berêt rouge était lancé dans un dialogue à bâtons rompus avec un interlocuteur. Il parlait tantôt en français, tantôt en bamanan. Soungalo Samaké racontait son histoire dans la grande Histoire de son pays, le Mali, ancien Soudan français. Soungalo Samaké est un de ces anciens baroudeurs de l'armée coloniale française qui n'ont pas été tout de suite intégrés dans l'armée du Mali indépendant, ayant à sa tête le grand Modibo Keïta. Un peu plus tard. Il raconte son histoire mais vu qu'elle est au coeur des péripéties de ce pays, il nous dépeint des périodes sombres comme le viol collectif de femmes à Diokoroni par des soldats de l'armée malienne. Il revient également sur l'organisation du coup d'état de 1968 de Moussa Traoré dont il fut un des éléments déterminants. Il parle en français, il parle en bamanan, le spectateur lit la traduction qui défile sur un écran géant derrière Samaké. Il parle des tortures, celles qu'il inflige aux récalcitrants, aux impolis, aux mécontents du système de Moussa Traoré. Le plus terrible, le plus terrifiant est le fait qu'on n'entende pas une once de remord, Amadou Bagayoko, joue bien la marque d'indifférence sur les faits narrés par cet homme redevenu un simple paysan dans son village bamanan.
L'homme qui a publié les propos de Soungalo Samaké s'appelle Amadou Touré. Un intellectuel malien, trempé dans la machine communiste jusqu'au cou et surtout torturé à partir de 1968 par les militaires de Soungalo Samaké. Lui aussi s'exprime, avec Catherine. Elle se questionne sur la relation étrange, troublante entre Amadou Touré et Soungalo Samaké. Elle veut comprendre, avoir des réponses, car une violence sourde gronde en elle.
Cette pièce est passionnante. Le jeu des acteurs est surtout dans le dialogue, dans les attitudes. La rage, l'impassibilité, l'attente, l'incompréhension. Il y a très peu de mouvements. Ils ne sauraient d'aucune utilité. Il faut s'accrocher pour suivre la traduction du bamanan en français.
Cette pièce a l'intelligence de nous faire entrer dans l'histoire de ce pays par le biais ce personnage quelque peu orthodoxe de Soungalo Samaké. On aimerait le tenir à distance. C'est peut-être la difficulté, le malaise que j'ai ressenti avec ce personnage tout en nuance qui s'accorde de nombreuses libertés, qui finit par gagner la sympathie de ses victimes, passant pour un simple exécutant, un militaire qui obéit.
Pourtant, un pays peut-il avancer si les ennemis d'hier continuent à s'étriper avec joie? Vous l'aurez compris, cette pièce est utile même s'il est difficile d'en sortir indemne.
Bon spectacle!
Vérité de Soldat, Compagnie BlonBaL'équipe de création réunit Alioune Ifra Ndiaye, directeur de BlonBa, Jean-Louis Sagot-Duvauroux, dramaturge, Patrick Le Mauff, metteur en scène, les comédiens Adama Bagayoko, Michel Sangaré, Maïmouna Doumbia, Diarrah Sanogo, avec Chiaka Ouattara et Youssouf Péliaba pour la technique.