La langue de Stéphane Gravier est aussi descriptive que ses mots, elle change de rythme par sa ponctuation, d’environnement social par le choix de son vocabulaire et de sa syntaxe. Elle devient rocailleuse chez les travailleurs et les milieux interlopes. Elle se fait douce et dangereuse parmi les puissants des affaires et de la politique.
Une usine est déménagée dans la nuit avec l’aide active des forces de police ; Marcel, Victor et les plus courageux iront s’expliquer chez le PDG. La très belle Valéria laisse derrière elle son pays et son fils ; prisonnière de ses rêves d’une vie meilleure, elle doit alors jouer de ses charmes pour compromettre des personnalités. Les affaires d’argent et de pouvoir se confondent dans un thriller dynamique où les paumés combattent pour leur vie.
“J’étais donc là, dans la demi-obscurité de mon studio, plongé dans mon club, une tasse de café à la main, à attendre que le jour se lève. Je faisais tourner les évènements en espérant qu’ils trouvent un sens et je dois bien avouer que je n’étais pas certain de tout comprendre, perdu dans ce tourbillon de machine à laver. J’étais juste un paumé de petite taille dans une histoire de géants aux dents longues, un p’it gars qui découvrait que le monde pouvait être un sale endroit.”
Stéphane Gravier peut aussi ralentir le rythme de son récit et nous offrir une peinture saisissante du monde.
“Le quartier ou j’habitais n’avait ni mauvaise, ni bonne réputation et je le trouvais plutôt sympa. Un mélange de famille et de jeunes paumés où les enfants avaient leurs horaires et les junkies les leurs. Tant que les uns ne devenaient pas les autres, tout ce petit monde vivait en bonne harmonie. De mon coté, j’errais entre les deux, passant des caprices aux crises de manque et je j’appréciais les contrastes et les similitudes entre ces deux univers qui se marchaient dessus sans s voir. C’était un vieux quartier, un chantier permanent de rénovation.[…] Un quartier sympa, plongé dans une guerre de maçons, de plombiers, d’électriciens et de carreleurs et où personne n’avait l’intention de leur faire signer l’armistice.”
Comme le dit Charles Dantzig dans son Pourquoi Lire ?, “J’ai éprouvé cette grande loi de la lecture, que le livre ne se donne pas si on le parcourt. Il faut s’abandonner complètement à lui, esprit comme corps, esprit plongeant dans les pages comme la tête.”
Et bien c’est complètement, esprit comme corps, que nous suivons les aventures de Victor et de Nathan, son frère, de Valéria la trop belle et des politiques affairistes et leur homme de main, Tony l’affranchi.
Amoureux des personnages, de leur faiblesse et de leur courage, nous aimerions les retrouver mais entré par effraction dans leurs vies, nous en sortons par discrétion.
“Toute douleur a un sens, quand la grâce de la création lui est accordée ; elle devient alors la plus grande magie de la vie. Car seul celui dont l’âme est déchirée connaît la soif de la perfection, seul celui qui est traqué atteint l’infini.” Stefan Sweig à propos de Henrich von Kleist In Der kampf mit dem dämon.
Edité à compte d’éditeur chez Mon petit éditeur, Stéphane Gravier mérite largement les têtes de gondole et votre soutien. Une langue subtile, un scénario travaillé et surtout un rythme maitrisé démontrent du travail et bien du talent. Qu’il est dur aux talents de se frayer un chemin parmi la jungle des créatures fabriquées par les médias.
A conseiller vivement pour tous à partir de 16 ans.
Pour commander et lire la quatrième de couverture,
Mon petit éditeur, 233 pages, 20€
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