Le Sénat sort de sa léthargie

Publié le 31 octobre 2010 par Copeau @Contrepoints

Comme je le mentionne régulièrement dans ces colonnes, le législateur français a depuis longtemps sombré dans la pire des médiocrité qui consiste à légiférer pour tout et n’importe quoi. Cette maladie, depuis longtemps chronique à l’Assemblée Nationale, n’a pas tardé à s’installer aussi au Sénat…

On s’était, depuis longtemps, habitué à la certaine tranquillité de la part de la Chambre Haute de la République. La rotondité de la salle rappelle immanquablement celle de ceux qui y siègent, et permet d’apprécier le silence feutré qui y règne la plupart du temps, à peine troublé du ronflement discret de l’un ou l’autre élu en pleine digestion.

Le Sénat a toujours été, dans l’imaginaire collectif des citoyens, cet espace de pondération, de méditation lente et sereine menée par des sages chenus, qui permet d’asseoir les lois de ce pays dans un semblant de durée et de réflexion. D’ailleurs, son mode de renouvellement accroît cette tendance au calme et à la modération. Et puis bon, il faut aussi se résoudre à l’évidence : pas facile de tempêter, de s’agiter et de s’exciter sur des textes de lois après une bonne bouteille de Mouton-Cadet et un plantureux Bœuf Mironton.

Mais là, c’est la stupéfaction : le vieux bulot institutionnel se réveille, et sort ses griffes. Dans un déchaînement d’actualités toutes aussi farfelues que néfastes, on découvre que les agitations sociales qui se sont emparées de la France pendant ce mois d’octobre ont malheureusement réveillé les vieux ronfleurs qui se sont complètement lâchés.

J’en veux pour preuve deux propositions consternantes que les sénateurs sont en train de digérer : l’une concerne le paiement de droits pour les œuvres orphelines, et l’autre, les sondages politiques.

La saga des œuvres orphelines

L’idée générale de cette effervescence soudaine est la suivante : certaines œuvres reproduites un peu partout appartiennent bel et bien à quelqu’un, mais dont on a perdu la trace, et le propriétaire légitime ne peut donc se faire rémunérer l’emploi de son produit.

Nos frétillants sénateurs proposent donc de créer, peu ou prou, une structure qui récupère les droits de ces œuvres pour, éventuellement, les reverser aux propriétaires légitimes quand ils se font finalement connaître… Ou, plus probablement, pour empocher les sommes aspirées et les dépenser en passionnantes initiatives culturelles permettant enfin à tous les citoyens de la République de découvrir les productions renversantes de cacas chromés et de musiques destructurées néo-narratives confusionnelles psycho-bouleversantes.

Evidemment, dans cette proposition, le principe était donc de rendre obligatoire le versement de droits pour tout média utilisé partout (internet compris), sauf lorsqu’on est soi-même producteur de l’œuvre en question. D’une pierre deux coups : on récupère des thunes en taxant les œuvres orphelines, et on met de sérieux bâtons dans les roues à ceux qui utilisent des médias divers sans en avoir les moyens, comme les blogs par exemple.

Comme par hasard, cette lumineuse idée provenait de la frange la plus forcenée des abrutis collectivistes qui sévissent en France, à savoir ceux du Parti Officiellement Socialiste, des socialistes-Hollywood (qui, comme les chewing-gums du même nom, sont à la fois mous, collants et à la chlorophylle) et des derniers reliquats de communistes même pas honteux.

Fort heureusement, cette stupide proposition a été en partie rejetée.

On se demande pour combien de temps : il faut bien comprendre qu’en réalité, l’assaut contre le gratuit et pour une régulation sauvage, violente et liberticide de l’internet continue sans trêve.

Ainsi, pas plus tard que cette semaine, c’est un député du Parti Honteusement Socialiste, Jean-Pierre Giran, qui, sans aucun scrupule, a fait son malin en pleurnichant sur le photojournalisme en France. Il s’agit d’une nouvelle tentative de la part du lobby correspondant de pousser sa petite loi, comme en témoigne mon précédent billet. Pensez donc : comme le dit lui-même le corporatiste, « cette profession est en crise, confrontée à la concurrence déloyale des photographes amateurs et d’Internet. » Ouin ouin snif snif, vite, une loi.

Pas étonnant qu’en suite, à force de pleurnicher, les flots de larmes viennent humidifier les doigts de pieds des sénateurs qui prennent alors la relève. Les eaux froides sont mauvaises pour les rhumatismes et réveillent de vieilles douleurs…

Quant aux sondages…

Et puisqu’on parle de vieilles douleurs, rien de tel qu’évoquer l’épineuse question des sondages en France pour ranimer de lancinants élancements.

Elancements qui se traduisent mécaniquement par … une proposition de loi, ou plus exactement un rapport dont les conclusions sont, en substance, que les sondages politiques, c’est bien joli, mais il faudrait peut-être faire un peu de ménage là-dedans, réguler par ci, réguler par là, parce que vous comprenez, ma bonne dame, les citoyens sont vraiment trop cons pour comprendre comment ça fonctionne, un sondage, et puis si on laisse faire, on va finir par ne plus avoir besoin du vote, hein, ce serait scandaleux, tout ça. Non ?

Bref : on sent poindre une nouvelle loi, redéfinissant celle de 1977 sur les sondages politiques, et, très certainement, par extension logique, la création d’une nouvelle institution (cf partie III) qui étudiera scrupuleusement les sondages produits en s’assurant que ceux-ci respectent bien les minutieuses mesures que la loi dictera. Et pour la facture, vous savez qui paiera.

Et maintenant, la question : mais qui diable a eu l’idée de réveiller les sénateurs ?

Vous n’aviez pas assez des avalanches de taxes et des ponctions diverses, des gaspillages éhontés et des bavouseries législatives scandaleuses provoquées par l’Assemblée Nationale ? Il a fallu qu’un petit rigolo titille le bulot !

Franchement, ce pays est foutu.
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