En discutant avec Zeyesnidzeno après avoir vu le dernier (et quand je dis dernier, je pense que c’est plutôt « the last » que « the latest »… l’avenir nous le dira !) film de Pierre Carles, Fin de Concession, nous nous sommes rendu compte que notre expérience de l’internet était complètement différente. Bien sûr, chacun expérimente le web de façon intime et très personnelle, mais en l’espèce, il s’agissait plutôt de la temporalité, l’histoire de la rencontre de tout un chacun avec le web. En l’occurrence, ce que je lui ai raconté l’a plutôt intéressée (enfin, je pense ;-) et elle m’a conseillé d’en faire un billet. Dont acte. Et puis ce matin, je suis tombée sur ce billet de CSP dans lequel il évoque rezo.net… or ce site m’a particulièrement marquée lors de mes débuts sur la toile alors je me lance.
En préambule, je dois avouer que même si je suis le boulet informatique ultime (sic !), j’ai toujours été bercée par les nouvelles technologies (même si elles sont devenues complètement obsolètes désormais). Le Vectrex, ça vous dit quelque chose ? et le krach du jeu vidéo en 1983 (que je découvre en trouvant ce lien sur l’antique console de jeu d’ailleurs). L’Apple IIe ? Amiga ? et pourtant, je suis infoutue de pisser du code, ou de bidouiller du hard (ware, honni soit qui mal y pense !). Tout simplement une fascination pour cet univers…
Je reviens donc à la préhistoire : 1990/1991, dans ces eaux-là…comme j’étais étudiante à l’époque, une certaine brume (…) ne me permet pas d’avoir une idée plus précise des dates. Non, vous n’en saurez pas plus. Donc à cette époque, la France possède une technologie que le monde entier nous envie : le Minitel ! Ne rigolez pas, c’était une véritable révolution ! Bien évidemment, il y avait plein de sites de cul « roses » (bel euphémisme et préfiguration de ce qu’allait être une partie du web !) mais déjà des sites de discussion en temps réel, chat avant l’heure, tel Ness et Elliott – j’ai bien essayé de trouver des liens, mais nulle trace de la mémoire de ces « sites » ne semble persister….D’ailleurs, en y repensant, ces 2 sites étaient même plus dans l’esprit twitter (la contrainte de 140 caractères en moins) que dans celui de MSN (à vrai dire, j’ai jamais été sur MSN mais c’est ce que j’en imagine).
A peu près à la même époque, j’ai eu connaissance non pas du web, mais de la partie immergée de l’iceberg, les newsgroups et Usenet…J’ai un peu farfouillé là dedans, mais il faut avouer que c’était un univers quasi exclusivement masculin et dédié à l’informatique avant tout (même si j’y ai trouvé quelques groupes de SF ou autres…). Pas ma tasse de thé.
Mon souvenir suivant concerne la période 1994/95 (toujours sous réserve ! je n’étais plus étudiante, mais les brumes s’étendent sur une bonne partie de ma vie de jeune adulte… Foutu fog des nuits parisiennes !) et le prérequis pour accéder à internet, c’était la Netiquette ! Bah oui, c’était un univers très codifié et des règles de bienséance s’appliquaient quand on souhaitait y rentrer. Et je peux vous garantir que les utilisateurs ne respectant pas ce code se faisaient basher dans les grandes largeurs ! Quel dommage que celui-ci soit tombé en désuétude quand l’internet est devenu « de masse »… Quelque part, j’oserais même une comparaison entre la Netiquette et le Code Courtois de la chevalerie : de bien belles pratiques d’un monde disparu…
Mais foin de nostalgie dépassée. La suite, vous la connaissez tous, c’est la démocratisation du web et son adoption par un public de plus en plus large. Entre 1996 et 2000, les sites deviennent de plus en plus accessibles sinon mainstream tel qu’on les définirait aujourd’hui. Il y a le rézo des copains auquel je faisais allusion en début de billet, des sites engagés – déjà – tel que celui de Lazuly, Mona Chollet (qui collabore au Monde Diplo si je ne me trompe) et plein d’autres que j’ai oubliés, des manifestes d’indépendance du web qui sont plus que jamais d’actualité, des ébauches de ce qui deviendra les blogs (à l’époque, les fameuses pages perso !) dont le plus éminent – peut-être pas le plus éminent, mais mon préféré et de loin – était Grosse Fatigue (il va sans dire que je vous en recommande vivement la lecture !), la poursuite d’activités moins visibles, telle la plateforme samizdat, j’en passe, mais toute contribution pour compléter cette liste est la bienvenue
Je fais une parenthèse pour rappeler à mes aimables lecteurs que la norme de la fin des 90ies était plutôt au modem 56 K qu’à l’ADSL (qui ne fit ses débuts balbutiants qu’en 1999…et oui ! il y a un siècle, une éternité !)
Pour achever ce billet, je parlerai de 2 évènements qui m’ont marquée en cette fin de siècle dernier.
Le premier, c’est l’affaire Mygale (ou Altern, me souviens plus qui était assigné exactement). Je vous laisse googliser les détails (si j’étais une fille sérieuse, c’est ce que je ferais, histoire de ne pas raconter de conneries, mais j’ai la flemme).
En gros, Mygale/Altern était un hébergeur gratuit (sisi ! je vous jure ! ça existait) et des photos d’Estelle Halliday nue furent publiées sur l’un des milliers de sites de Mygale. L’hébergeur, en la personne de Valentin Lacambre, fut trainé en justice et pour autant que je m’en souvienne, c’est la première fois en France que la responsabilité des hébergeurs vis-à-vis des contenus fut portée sur la place publique. Cela souleva un torrent d’indignation dans le web francophone et souligna la méconnaissance totale du public (et de la Justice) des règles et du fonctionnement du web en général, et de l’hébergement en particulier. Il va sans dire que Valentin fut condamné et que Mygale ferma boutique. Une honte ! Il me semble cependant que Gandi naquit de cette triste saga – sous réserve de vérification par ceux qui m’auront lu jusqu’ici – et c’est déjà ça de gagné…En tout cas, cela modifia, et pour longtemps, le visage du web français…j’irais jusqu’à dire qu’Hadopi plonge ses racines dans cette affaire lointaine, mais ceci n’engage que moi.
Bon, je ne vais pas vous gonfler avec mes souvenirs d’ancien(ne) combattant(e), d’autant que j’ai arrêté de surfer à peu près à cette période (non, pas « vraiment » arrêté, je suis trop accro, mais sensiblement réduit le temps que je passais sur la toile), et que je n’y suis revenue qu’il y a 3 ou 4 ans à peine. Quoi qu’il en soit, à défaut d’avoir vécu le flower power, je suis ravie d’avoir pu vivre le début de la « révolution internet »
Inutile de préciser (mais je le fais quand même) que ceci ne représente que mon point de vue, du bout de ma petite lorgnette embuée par le temps, et que je n’ai aucune prétention à quelqu’exhaustivité que ce soit. J’espère toutefois que ce billet vous aura peut-être permis de découvrir de nouveaux (anciens) sites et d’élargir vos horizons !