Magazine

Interview Jann Halexander.Vaguement noir Vaguement Blanc & Tjenbé Rèd

Publié le 31 octobre 2010 par Flash-News

Un rendez-vous avec Jann Halexander, c’est comme un feuilleton parlé, on se retrouve régulièrement au fil de ses créations, cette fois-ci c’est pour une série de concerts à Paris, et son implication dans l’association Tjenbé Rèd

Jann Halexander affiche au Magique

Jann, tu seras les 17,18, 26, 27 novembre dans la salle du Magique pour un tour de chant intitulé « Vaguement noir Vaguement Blanc », pourquoi ce titre, même si j’en ai une idée ?

   J’aime beaucoup ce mot : vaguement…il signifie qu’on peut être tout (et rien) à la fois…vaguement noir vaguement blanc, ce n’est pas seulement parler de moi, le Métis, même si quand je parle de moi, je parle des autres, de vous, de nous et vice versa. C’est aussi aborder les rivages sombres ou les rivages lumineux de la Vie. C’est passer du rire aux larmes, à l’émotion, qu’elle soit joyeuse ou mélancolique.

Tu chantes souvent au Magique, cette salle qui donne à la chanson française depuis 30 ans, l’occasion d’exprimer toutes ses formes, qu’est-ce que toi, tu retires d’un concert dans cette salle ?

   J’ai toujours le Magique, l’ambiance, en haut avec le bar-restaurant, en bas avec la petite salle de concert…dès que je peux, quand je n’y chante pas, je m’y rends simplement comme ça, parfois avec le chanteur Nicolas Duclos qui aime beaucoup cette salle également, il y chante souvent. Et puis Marc Havet (qui est un chanteur de grand talent au passage) qui possède la salle est l’un des rares programmateurs qui m’a permis et me permet d’exercer mon métier (si on peut appeler cela ainsi) de chanteur correctement. Je ne vais pas épiloguer sur les difficultés que je rencontre pour être programmé. Mais il y a des personnalités comme Marc Havet et puis il y a le public, je n’ai qu’une envie, c’est de leur  dire : venez, ne restez pas chez vous, venez. Ce n’est pas une grande messe, ce n’est pas Bercy…mais c’est encore mieux !

Tu ne seras pas seul sur scène mais accompagné du guitariste Pablo Penamaria, peux tu nous le présenter.

   Je ne suis pas trop guitare en général. Je me méfie de la guitare quand elle est utilisée comme simple accompagnement. Il s’avère que Pablo est un ‘vrai’ guitariste, extrêmement doué qui est capable de changer totalement l’atmosphère d’une chanson. Son travail par exemple sur A Table est extraordinaire. D’ailleurs, maintenant, dès que je peux, je fonctionne toujours avec des musiciens…les gens aiment ça…

jann halexande par JP David

Comment va s’orienter ton tour de chant ?

   L’idée est de profiter de l’intimité de la salle du Magique pour être proche des gens, faire comme si finalement nous étions dans un salon…le fait que Pablo soit à la guitare m’évite d’être systématiquement au piano. Alors je me ballade parmi les gens…voilà je veux que ce soit beau, voire inoubliable…

As-tu en projet un nouvel album ?

Oui mais pas avant fin 2011. Je me concentre vraiment sur le disque Obama, les récitals…

Quel angle vas-tu explorer ?

Un angle plus…’world music’…mais ça restera moi, de toute façon…disons que ce sera un disque particulier…j’ai, disons, certaines choses à régler…avec moi-même, avec les autres, avec le passé…

Avant de parler de tes autres projets, faisons un tour d’horizon de l’association Tjenbé Rèd.

   L’association Tjenbé Red regroupe des Antillais, des Africains, des Réunionnais, des métropolitains noirs, métis essentiellement, qui sont gays, lesbiennes, bisexuel(le)s, transsexuel(le)s. Je vous rassure, on peut être blanc et en être membre, évidemment. En créole, Tjenbé Red signifie accroche-toi ! On considère que la résignation face à l’homophobie, la stigmatisation, le machisme, le racisme dans la société française et dans les différentes communautés qui la composent(par exemple la communauté antillaise où l’homophobie de façade est trop répandue) n’est pas une option. Alors on dit qu’on existe, on le clame, ce qui crée beaucoup d’ennemis, certes, mais on parle, on agit, du moins on essaye. Nous participons également à la lutte contre le Sida, par exemple. L’association monte au créneau, ce qui n’est pas facile, croyez-moi, quand un artiste chante Il faut buter les pédés. Chaque année, l’association est représentée par un char à la Gay Pride à Paris. Je n’ai rien à cacher sur mes engagements depuis les débuts, j’ai toujours été assez clair. Je ne suis pas absorbé par le milieu associatif, heureusement d’ailleurs mais c’est sans doute une façon de me sentir moins…impuissant…par contre, aucune chance de me voir m’afficher dans un parti politique. Je dois dire que j’accepte publiquement mon engagement à Tjenbé Red car j’essaye tant bien que mal (et je ne suis pas le seul) d’être la voix de ceux et celles qui, par exemple, dans certains pays africains, ne peuvent pas parler. Ne peuvent pas vivre pleinement ce qu’ils sont…

Jann Halexander (photo JP David)

Peux tu nous en dire plus sur ton implication ?

   Je m’occupe de la culture. La culture pour moi c’est aussi l’Infini. Il y a pleins de champs à défricher dans la culture. Dans les années 70, il aurait été impensable de voir des films comme Beurs Appart ou Black Out émerger. Peu importe que ce ne soit pas réalisé avec des millions d’euros mais la parole se libère. Malgré les obstacles. Les médias people préfèreront retenir Vincent Mac Doom plutôt que Bertrand Matoko, ou Bruno Rodriguez-Haney. Ce sont, je dirais, nous sommes des artistes noirs, métis, nous appartenons à la communauté LGBT (Lesbienne Gay Bi Trans) et nous avons des choses à dire. Et nous souhaitons parler au plus grand nombre, la logique de ghetto ne nous correspond pas. C’est la raison pour laquelle je mets en place une soirée culture consacrée à la place des artistes noirs et métis LGBT dans ma culture francophone le 23 novembre, au théâtre du temps, à Paris, 11 rue du Morvan. L’entrée est gratuite, il y aura un cocktail de bienvenue, ça commence à 19h. Il y aura des débats et la projection de deux documentaires qui présentent justement un panorama de tous les films, longs ou courts, abordant le thème noir/métis/lgbt en langue française depuis Dakan, le film du guinéen Mohamed Camara. Des écrivains, des comédiens, hommes, femmes, liront, réciteront des textes…beaucoup de gens nous en parlent déjà avec intérêt…

Est-ce pour toi une démarche vitale face aux mises à l’écart de certaines minorités ?

   Si on ne fait rien…il ne passe (en général) rien. Alors il faut prendre certains…problèmes à bras le corps et agir. Même quand les lois, officielles ou officieuses sont des obstacles. Mais c’est important. Je dis souvent que quand j’étais plus jeune, j’aurais bien aimé voir à la télé, dans les médias, des gens d’origine africaine, par exemple, et qui assument leur homosexualité ou leur bisexualité. D’ailleurs, je n’ai rien contre par exemple Vincent Mac Doom, pour les générations actuelles, cela montre qu’on peut assumer pleinement sa ‘différence’ et être soi…vivre ! Bon, je voudrais tempérer les choses dans le cadre français. Ce n’est pas facile tous les jours pour les gens issus de telle ou telle minorité mais je ne peux pas cautionner l’idée qu’il y a une stigmatisation systématique, la France n’est pas l’Enfer sur terre. Simplement, il ne faut pas nier certains problèmes constatés.

jann halexander par Valentine V

Que pourrais-tu dire pour donner espoir à ceux dont l’avenir est incertain…

   Je ne suis pas un saint et moi-même je me pose beaucoup de questions. D’une certaine façon, rares sont les êtres humains dont l’avenir n’est pas incertain. Je crois beaucoup à la résilience dans les moments les plus éprouvants. Cette capacité de chercher jusqu’au fond de soi les armes nécessaire pour affronter la peur, le doute, l’hostilité. Le psychanalyste Boris Cyrulnik a beaucoup développé ce thème. Renaître de la souffrance…

   Je dirais que…la vie est courte et qu’il faut essayer de la vivre pleinement. On a peur, et c’est normal, de libérer certaines entraves. Je m’engage, ce n’est pas rien à titre personnel…il y a forcément un prix à payer quand ce type d’engagement est quasi-total…

Pour en revenir à ta carrière, comment l’envisages tu dans les années à venir ?

J’essaye de ne pas trop y penser. Je suis sur le fil du rasoir en permanence. Mon chemin de vie est assez étrange. Je vis vraiment dans l’immédiat, parfois malgré moi…à l’heure actuelle, côté concert, par exemple, je peux dire que je fais un spectacle autour du répertoire adulte d’Anne Sylvestre le 29 et le 30 janvier 2011 au Théâtre du Temps mais après…je n’en sais pas plus…

Où en es-tu de tes projets en tant que réalisateur ?

   Eh bien nous terminons actuellement le tournage du film La bête immonde, un film sur une jeune femme qui enquête sur le décès de son frère, dans une petite ville nommée Maggelburg, quelque part en Europe. Je crois que c’est mon dernier film. En tant que réalisateur. Car c’est …très contraignant, très usant. C’est aussi une expérience collective et ce n’est pas toujours facile, même si jusque là le tournage se déroule bien. Le projet a été pensé en amont il y a déjà 3 ans. Le film sort l’an prochain. On espère quelques diffusions dans une salle de cinéma parisienne puis une sortie dvd.

En tant qu’acteur.

   Alors là je ne sais pas…on verra bien…je suis ouvert à toutes les propositions…j’aime jouer, c’est sûr…

Si tu avais une chanson et un film à sauvegarder, ce seraient lesquels ?

   Une chanson ? A Table, incontestablement, et pas seulement parce que c’est la plus connue…quand les gens la chantent avec moi, ce qui arrive parfois, c’est un vrai bonheur. Bon c’est toujours difficile avec ce genre de question de devoir choisir une chanson parmi toutes celles qu’on écrit mais bon…et comme film ? Je dirais…j’hésite entre Une Dernière nuit au Mans et J’Aimerais J’Aimerais.

Jann Halexander et Pablo Penamaria (photo JP David)

Quel mot te vient à l’esprit spontanément pour conclure cette interview ?

   D’abord merci…je suis toujours d’accord de répondre aux questions, je suis toujours content qu’on s’intéresse à mon travail…et puis Flash News existe depuis longtemps, j’ai assisté aux débuts et cela a quelque chose d’émouvant…

Merci Jann, à bientôt.

Concert Jann Halexander

Les 17,18, 26, 27 novembre

Au Magique

Soirée Tjenbe red
le 23 novembre
entrée libre
cocktail de bienvenue
ouvertures des portes 18h30
9 rue du Morvan, théâtre du Temps
métro Voltaire

Crédit photos DR :

JP David

Valentine V


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Flash-News 2215 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte