Je viens de retrouver un recueil que j'ai écrit il y a cinq ans. Je ne suis pas certain de l'avoir perdu car il me dévisageait presque, à la façon de la lettre volée de Poe. Deux textes paraîtront peut-être en 2011 dans une anthologie des éditions de l'Athanor.Comme je n'essaierai pas de publier les autres, je vous les donne ici, sans les retouches qui s'imposeraient le temps ayant passé, sous ce titre-là : Le manuscrit retrouvé.
Un bol bleu ébréché sur une nappe, un cheval au galop dans une plaine d'herbes rases, les petits éclats de la pluie contre la maison.
Quelques mots pour accompagner le bol, et le cheval, et la pluie, dont l'écho estompé rôde encore en moi, tous ces restes déposés aux marges du temps.
Le mouvement des souvenirs pourrait tout aussi bien m'apporter, dans cette orée immobile, la rondeur d'un fruit vert au fond du jardin, l'ombre gisante d'un chat sans sommeil, ton rire dont je chercherais à retrouver le timbre.
Comment dire ce qui est à l'oeuvre dans cet épuisement de la mémoire ? De quel temps s'agit-il que nous aurions ou non vécu ? Avec quelles joies ? Quelles souffrances ?
*
Tu avais aussi un bol bleu, dans un buffet que tu n'ouvrais plus guère. Une ébréchure ancienne aurait porté au coeur de tes lèvres la douleur du thé trop chaud. Te souviens-tu de ton bol bleu comme je me souviens du mien ? Tu n'es pas sûre que ta mère ait un jour décidé de le condamner. Tu ne la revois pas l'enfermer dans le buffet, avec des mots secs, comme pour te dire que tu étais coupable.
Mais tu pressens ce que je pressens du mystère de l'enfance, sourde au cri du bol meurtri.
*
Quand la fatigue pousse ton corps à l'oubli, le temps n'est plus une menace pour ta peau. Tu parles du sillage des oiseaux. Le mouvement des ramures, si lent parfois, te fait frissonner. Tu es dans la durée des oiseaux, dans la durée des feuilles qui bougent, et tu sais bien, alors, que le temps n'est qu'une idée. Qui nous isole ensemble.
Jeu de briques
Snake
Pacman
Bubble