La Gaîté Montparnasse
26, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 16 18 / 01 43 20 60 56
Métro : Gaîté / Edgar-Quinet
Textes de Jean-Luc Lemoine
Mise en scène d’Etienne de Balasy
Ma note : 7,5/10
Le prétexte : Cette année, Jean-Luc a 40 ans, l’heure des bilans, mais aussi du grand lâchage !
Abandonnant les sketches, le regard plus acéré que jamais, il propose un décryptage surprenant et hilarant de notre société dans un monologue aux allures de montagnes russes. Tout y passe : le business de la nostalgie, la difficulté d’apprécier une œuvre d’art quand on est inculte, les mensonges sur la complémentarité entre les hommes et les femmes, la dictature du buzz, les vedettes qui refusent de vieillir…
Mon avis : Jean-Luc Lemoine distille un humour particulier, un humour bien à lui, un humour très fin basé en grande partie sur l’observation de ses congénères et les dysfonctionnements de la vie de tous les jours. Une bonne fois pour toutes, inutile d’espérer une rémission, il porte en lui, tel un ténia têtu, une mauvaise foi chronique. Lorsqu’elle pointe le bout de son nez – ce qui est assez fréquent – son œil s’allume légèrement et il ne peut empêcher ses lèvres d’esquisser un furtif sourire satisfait. Ce sera là sa plus grande manifestation extérieure de satisfaction intérieure. De toute façon, cette mauvaise foi, il la met à toutes les sauces et il adore en saupoudrer menu-menu les différents sujets qu’il aborde. Et il affecte plus particulièrement – on se demande pourquoi – de jouer les Monsieur Plus en y rajoutant une bonne dose lorsqu’il parle des femmes.
Les thèmes lemoinesques sont tout simples. Il les puise dans notre quotidien et dans le sien. L’approche et l’exposé sont banals, c’est le traitement qui fait toute la différence. Il ne voit pas les choses comme nous, ce garçon. Il doit avoir un prisme déformant qui relie sa rétine à son cortex. Il se glisse par exemple dans la tête d’un gamin de 2 ans qui, au lieu d’avoir des réflexions inhérentes à son âge, se mettrait à réagir et à faire des commentaires sans souci aucun des conventions. Ce qui lui permet de développer sur le thème de la franchise. Doit-on tout dire ? Est-ce qu’on se sent mieux personnellement quand on dit ce qu’on pense profondément quitte à épouvanter son interlocuteur/trice ?
Jean-Luc Lemoine, qui en est avec ce spectacle à son quatrième one-man show, a considérablement évolué. Pas dans le fond, mais dans la forme. Beaucoup plus à l’aise, il établit cette fois une relation très joueuse avec le public. S’appuyant sur cette interactivité complice, il peut d’autant mieux mesurer l’impact de ses déclarations et rebondir dessus le cas échéant.
Il ne fait plus vraiment des sketches, il ne fait pas non plus du stand-up, il fait du Lemoine. Un peu comme s’il se mettait à dire tout haut le fruit de ses réflexions en nous prenant presque systématiquement à témoins. Il faut que ce qui est une évidence pour lui en devienne également une pour nous. Pour cela, il dissèque et il va au bout de sa logique. Car tout est très logique chez lui. Rien n’est saugrenu ou irréaliste : personne n’ose étaler son inculture ; tout le monde a remarqué combien, à peine a-t-on franchi la quarantaine, il nous arrivait plus souvent de nous faire vouvoyer ; chacun d’entre nous a rêvé revoir ses anciens condisciples de lycée ou de collège ; qui n’a jamais ressenti un besoin irrépressible de faire la conversation dans une voiture alors qu’on voyage au côté d’un voisin mutique ?
Grand moment du spectacle, avec paperboard à l’appui s’il vous plaît; que cette brillante démonstration sur une étude comparative entre les avantages et inconvénients d’un GPS par rapport à un conjoint… Imparable !
Avec des humoristes aussi fins que Jean-Luc Lemoine, il porte bien son nom, le théâtre de la Gaîté, à Montparnasse.