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Par Toréador | octobre 30, 2010
Film de Conne Session, crillon de vérité
Le populisme a de beaux jours devant lui, comme j’ai pu le découvrir chez mon kiwiconfrère Café- Croissant. Bakchich a ainsi couvert le siège de l’Hotel Crillon (plus exactement de l’Automobile Club) par une poignée de unhappy few, le 27 octobre dernier, venu perturber le dîner mensuel du Siècle . Si la petite foule a copieusement chahuté chaque invité - dont certaines personnalités de Gauche – c’est car on nous annonce la sortie d’un doculapraline sur les connivences journalistiques, et notamment sur ce fameux « Siècle », le dîner le plus huppé de Paris, qui rassemble une fois par mois l’élite médiatique, politique et économique de notre pays. Le producteur principal est Pierre Carles.
Le co-producteur de « Fin de Concession« , Pierre Fiszbin, prend son air le plus pénétré pour lever une conspiration : les élites se réunissent dans un club fermé au public, dans un hôtel prestigieux de Paris, pour dîner une fois par mois. Crillon-le sur tous les toîts !
Drapé dans l’inconscient collectif du petit peuple accroché aux grilles de Versailles, le coproducteur a décidé de se faire le Michael Moore des dîners mondains. Rappelons qu’il s’agit de l’ex boss de la très secrète Zaléa TV, télévision anarchiste libertaire. Ouh, un scoop.
Un privilège, c’est un passe-droit dont on m’a exclu*
Je ne suis pas membre du Siècle – je le précise – mais j’en connais quelques membres (dont le juriste politologue socialiste Duhamel qu’on voit dans le petit film) et ses organisateurs actuels. On se demande, au visionnage de la vidéo, ce qui gêne tant ces révolutionnaires du mercredi soir qui battent le pavé une froide soirée d’Hiver. Un grand complot ? Vous plaisantez ? Le Siècle existe depuis un demi-siècle justement et il y a sur Wikipédia, de longue date, toute l’information nécessaire pour qui veut s’y intéresser.
Une indice nous en est donné quand un journaliste interpelle un participant : ce dîner en catimini, loin du « peuple », ne serait-ce pas un peu suspect ? Il insiste : on « nous » fait croire que le pouvoir est en face (à l’Assemblée Nationale). Sous-entendu : ne serait-ce pas dangereux qu’en démocratie les « élites » (= le monde germano-pratin) se réunissent hors des enceintes politiques, pour tailler le bout de gras par exemple ? Oh, les vilains.
Evidemment, c’est du populisme tellement évident qu’on se demande par quel bout commencer. On voudrait leur hurler par exemple que nos textes fondamentaux garantissent (Dieu merci) encore le droit de réunion et d’association – et que lorsque celui-ci a été aboli, c’est toujours par des Dictatures ; que ce n’est pas parce que vous n’êtes pas invités à un repas que c’est forcément un odieux privilège pour les autres ; leur objecter que ce type de club fonctionne par centaines et que le plus connu d’entre-eux (et le plus secret) s’appelle le Grand Orient (mais Fiszbin ne veut peut-être pas manifester 1 soir par mois au moment de chaque tenue ?) ; et surtout tenter de les convaincre que propager ce genre de pseudo-conspiration alimente ou procède (je ne sais plus) d’une forme sournoise de populisme. Relisez par exemple le commentaire de cet internaute ici.
Tout ceci est une forme de terrorisme intellectuel : Il n’y a qu’à s’interroger sur les vivats qui accompagnent « les gens de Gauche » qui ont le malheur de participer à ce repas – ne trahissent-ils pas la classe ouvrière en dînant avec le grand capital ? Sans doute auraient-ils dû se réunir au Café de Flore, paris VIème, pour être absous par les mânes de Jean-Sol Partre ? Le symbole (le Crillon, le Siècle, l’ancienne place de la Révolution où Louis XVI fut guillotiné) est trop beau pour ne pas être appuyé, et tant pis si ces riches hères croient aux valeurs républicaines de dialogue Droite/Gauche.
Aujourd’hui, on n’a plus le droit, ni d’avoir faim, ni d’avoir froid
Le reportage se clôt sur l’épilogue de Fizbin qui révèle le but de l’opération : il s’agit de faire « honte » aux journalistes (par exemple en scandant « Libérez Arlette (Chabot) ») et « stars de télévision » qui viennent « ventre à terre » à ce dîner, lequel – Saint Just souligne – est « à huis clos » (l’Enfer c’est les autres). Il est « très privé », comme si c’était un gage de complot national. Seul un dîner où M. Fizbin serait invité serait gage de bonne démocratie ? D’ailleurs, Fizbin semble oublier que tous les jours, les grands journalistes, les politiques et les industriels dînent aux 4 coins de la capitale dans des alcôves. Qu’on y échange « en off » sur la vie politique française, bref que les individus n’arrêtent pas leur exercice de socialisation aux frontières de leur étiquette.
La nature particulière des démocraties modernes fait que journalistes et hommes politiques respirent le même air, fréquentent les mêmes lieux, couchent, boivent et fument ensemble. C’est normal : 80% d’entre eux sortent de la même école, Sciences-Po. Ils vivent concentrés sur une zone à peine plus grande que le Bois de Boulogne. Et sont amenés à vivre de la même actualité. Aux Etats-Unis, les grands humoristes américains se lancent même en politique. C’est la vie.
Je crois surtout que Fizbin et Carles ont voulu se faire un beau coup de pub gratis, histoire de doper un peu la sortie en salles d’un documentaire qui ne révèle pas grand chose. Ils ont promis de revenir chaque mois. A défaut d’être au Siècle, ils auront vraisemblablement réussi à en être un sujet de conversation au café.
* Ne pas confondre avec « Avantage acquis » qui est un privilège à moi-c’est-le-mien, et qu’il faut défendre car c’est une grande avancée sociale.
Tags: anarchisme, Backchish, Café Croissant, CRillon, Fin de concession, le Siècle, Pierre Carles, populismeSujets: Banderille, Toréador critique littéraire et médiatique | 2 Comments »
2 réponses “Banderille n°354 : Les riches Hères du Duc du Crillon”
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garcon Says:
octobre 30th, 2010 at 16:25c’est certain il n’est pas bien du tout de se poser des questions relatives a la collusion entre les politiques, les financiers et les medias. Mais ce qui m’etonne dans cette histoire c’est le fait que ce diner n’ait point ete mediatise auparavant, alors qu’on nous gave depuis des annees avec la franc maconnerie a tous les coins de kiosque a journaux….
et considerer que le sujet n’est pas tabou car il existe une oage wikipedia est totalement risible, on ne peut pas decouvrir un sujet portant a polemique via wikipedia si on n’en a pas connaissance au prealable.Dans le fond cette histoire n’est pas bien grave, mais elle est symptomatique et symbolique du fonctionnement des elites dans une democratie.
n’hesites pas a poursuivre la discussion par chez moi aussi
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Toréador Says:
octobre 30th, 2010 at 18:44Moi j’ai deja vu pas mal d’articles sur le siecle mais comme ceci n’a rien de mysterieux ni d’initiatique, personne n’avait trouvé que ça valait une telle polémique.