Magazine Culture
Dès son deuxième film, Rushmore, Wes Anderson confirmait les promesses à venir (La famille Tenenbaum, A bord du Darjeeling limited). D’abord, une déconstruction, fabuleuse et poétique, des idées toutes faites : sur les personnages (ici, la figure attendue de l’adolescent lambda est détournée de manière ludique), sur les thématiques (la famille, l’amour, les interactions humaines). Ensuite, une imagerie pop et détonante, à la fois colorée et mélancolique, qui hurle à chaque plan son amour du cinéma. Enfin, un humour fin et réjouissant, cynique et pince sans rire, carrément dingue, subtil, séduisant. En suivant le chemin indéterminé d’un Jason Schwartzman en gamin de quinze ans, Anderson affirme son talent de metteur en scène, et pose chaque pièce de son univers décalé. Son film (son cinéma ?) est à l’image de son héros : insaisissable, en perpétuel mouvance, changeant, intelligent. Tout aussi cancre que génie, désespéré qu’idéaliste. Les situations, cocasses et tragi-comiques, ne sont que prétextes pour aborder les leitmotivs de son œuvre : la rupture amoureuse, moquée et magnifiée (le triangle amoureux ici est simplement succulent), l’importance du clan, l’éloge de la différence. D’une énergie et d’une fraîcheur novatrices, Rushmore impose déjà la marque d’un cinéaste rusé et drôle, qui- derrière un détachement apparent- ne cesse de parler des vraies blessures du cœur.