-Qu’est-ce que tu fais ?
-Je cherche mon temps !
-Ton temps ?
-Oui…mon temps ! Je l’ai perdu !
Je viens de fouiller dans mon sac.
J’ai ratissé toutes les pièces.
J’ai même regardé sous les meubles. Chaque recoin de l’appartement…
Pas moyen de savoir où il est !
Pourtant, je l’avais, ce matin.
J’avais même du temps devant moi.
-Devant toi ?
-Oui, à perte de vue…du temps, du temps…rien que du temps…je trouvais même le temps trop long !
Qui m’aurait dit que j’allais le perdre ?
Ah, quand j’y pense ! Tu imagines ?
Il se trouvait là, devant moi. Et puis voilà…à peine le temps de tourner le dos, de penser à autre chose…et hop, je ne sais plus où il est…plus moyen de mettre la main dessus. Tu parles d’une
étourderie !
-En effet. Pourquoi ne lancerais-tu pas un avis de recherche ?
Tu le placarderais partout…avec le portrait de ton temps !
Peut-être que quelqu’un le retrouverait…
Tiens, j’ai entendu parler d’un gars, un certain Marcel Proust, qui, je crois, s’était lancé dans ce genre de recherche…
-Il avait lancé un avis ?
-Euh…je sais pas trop…oui…sans doute.
Tiens, oui…certainement puisqu’un de ses bouquins s’appelle « Le Temps retrouvé ».
-Le temps RETROUVE, tu as dit ?
-Ouais-ouais « le temps retrouvé »…c’est bien ça, j’en suis sûr.
Alors, tu vois bien que tout n’est pas perdu, il te reste de l’espoir !
Vas au commissariat de police, et fais tout de suite une déclaration de perte de temps.
-Tu crois que ça m’en fera gagner ?
-Peut-être, mais, de toute façon, au point où tu en es, mon pauvre !
-Et si j’allais plutôt emprunter du temps à ma tante ? ça me tente !
-Non, n’attends jamais après le temps des autres : autre temps, autres mœurs…et puis, ta tante a fait le sien ! Elle n’a plus que du temps rassis. Toi, c’est de temps frais dont tu as besoin.
-Pourquoi pas d’une transfusion de temps ?
-Ah ouais…c’est ça…ça n’est pas bête…très bonne idée, va à l’hosto.
Quelques bons litres de temps dans les veines et puis plus de souci à se faire !
Là, tu ressembles à Dracula !
-C’est vrai…sans temps, on se sent tout vide…Et puis, si jamais ça s’entend !?
-Que ?
-Que je n’ai plus de temps, pardi !
-Non, non !...Je te promets : motus ! Tu peux vraiment compter sur moi…à défaut de compter ton temps.
Allez, viens…je t’emmène à l’hosto…j’ai ma voiture, juste en bas.
Mais je te préviens : y’aura des embouteillages à cette heure et je ne sais pas si nous arriverons à temps.
-Ah, tant pis…je suis partant…c’est chouette !
Patricia Laranco