Rien que ça, le visage de Dieu … ambitieux le titre des frères Bogdanov. D’autant plus que le sujet est extrêmement périlleux : science et spiritualité. Déjà que science et philosophie, ce n’est pas simple, que cela devient franchement délicat lorsqu’on commence à attaquer la métaphysique, alors la spiritualité pensez donc ! En outre, de nombreux mouvements rationalistes sont là pour veiller au grain. Alors, pour éviter une descente en flammes quasi-assurée, ou pour y résister honnêtement, il vaut mieux :
- Etre autant que possible inattaquable sur la partie scientifique, ce qui n’est pas vraiment le cas des frères Bogdanov comme explicité plus loin.
- En connaître un rayon sur la philosophie des sciences ainsi que sur les débats virulents qui ont déjà eu lieu à propos de certains sujets, ce qui ne semble pas non plus le cas des frères Bogdanov vu la manière dont ils se jettent gaiement dans la gueule du loup.
- Et surtout bien préciser pour chaque point abordé de quoi l’on parle exactement : science, vulgarisation, philosophie, science-fiction, spéculation, métaphysique, culture, spiritualité … là encore ce n’est pas le cas des frères Bogdanov qui mêlent entre autres science, intuition et spéculation sans spécifier clairement ce qui relève des deux dernières.
En tout cas, la légitimité scientifique incontestée, les frères Bogdanov ne l’ont pas. En témoigne notamment la polémique sur la qualité de leurs thèses respectives, polémique qui égratigne quelque peu la réputation de l’université de Bourgogne. Pour faire simple, les frères Bogdanov, au passage bons pédagogues et bons vulgarisateurs, ainsi que probablement parfaitement à même d’arriver à bout d’une thèse sans prétention particulière, ont manifestement visé beaucoup trop haut. Jusque là ça va, il suffit au bout d’un moment d’être un peu plus réaliste et d’ajuster le tir. Malheureusement, le fait de reconnaître son erreur est une qualité que peu d’hommes possèdent et parfois c’est l’engrenage … qui peut aller jusqu’à utiliser tous les moyens possibles et imaginables pour, disons le clairement, tromper son monde. Ont-ils des circonstances atténuantes ? Bien sûr, une grande part des travaux de recherche n’est pas inattaquable et une déconstruction méthodique peut les mettre à mal. Bien sûr, les erreurs ça existe et elles ne décrédibilisent pas systématiquement les chercheurs qui en ont commis. Bien sûr encore, il n’est pas rare que certains sujets de recherche soient l’objet d’âpres débats entre écoles de pensées. Mais là, rien à voir, c’est une avalanche d’éléments à charge qui est révélée, mettant notamment en lumière pléthore de points douteux si ce n’est malhonnêtes (à ce niveau, l’aveuglement est peu plausible). Et derrière, une descente en flammes assurée. A tel point qu’on ne peut s’empêcher de penser que les frères Bogdanov auraient dû en rester à leur rôle d’éveilleur d’intérêt scientifique et d’approfondir leur penchant pour la science-fiction et la spéculation en tant que tels !
Voilà pourquoi je n’ai pas plus envie que ça de lire ce livre. Quand au problème de réglage de paramètres auquel il fait référence, il peut être aisément contourné de diverses manières, même si tout contournement peut lui-même aussi être dépassé de diverses manières. Certaines spéculations ne seront peut-être pas inutiles, comme cela fut déjà le cas, y compris pour la science. Mais les travaux des frères Bogdanov sont loin de pouvoir rentrer dans cette catégorie …
Judem