En l’absence d’un musée d’art contemporain, la capitale libanaise dispose, outre le Beirut Art Center et le récent Beirut Exhibition Center, de nombreuses galeries qui assurent la promotion d’artistes libanais et étrangers (rarement français toutefois), jeunes ou confirmés.
Cet établissement propose également – et c’est là une approche assez originale – des tableaux européens du XVIe au XIXe siècle, pas nécessairement orientalistes, des meubles anciens et des bronzes du XIXe. Art contemporain et antiquités se côtoient donc ici, ce qui permet à des œuvres françaises classiques d’être présentes sur la scène culturelle libanaise.
Toujours cette année, dans le cadre du festival « Les Nuits du Ramadan », un groupe de musiciens ayant proposé un récital de musique franco-andalouse connut un réel succès à Saïda, tout comme, enfin, les projections de films de Jacques Tati. Ces manifestations, auxquelles assiste aussi un public jeune, participent au rayonnement de la culture française dans un pays qui fut, depuis des siècles, des plus ouverts à l’accueillir.
L’apprentissage de la langue connaît également des développements encourageants. Si, traditionnellement, le Français fut avant tout parlé par la communauté chrétienne et les élites du pays, on voit aujourd’hui ce paysage se modifier sensiblement. Beaucoup de membres des classes moyennes souhaitent rejoindre les classes supérieures dans la voie du trilinguisme, l’Anglais étant sans doute privilégié dans le monde des affaires (à l’exception du secteur bancaire, où le Français prévaut encore) et notre langue, dans celui de la culture. Enfin, il faut souligner, en particulier au Sud du pays, que les expatriés à destination de l’Afrique francophone, en majorité chiites arabophones, apprennent le Français pour des raisons qu’il est facile de comprendre. Cette manière transversale d’aborder la culture française contribue à en répandre la pratique, relayée et amplifiée par les enfants de ces expatriés, pour lesquels le Français devient souvent une seconde langue maternelle.
Mais, aujourd’hui, on reproche aux casques bleus français une rudesse de comportement dans leurs interventions (notamment des fouilles menées à domicile et dans les villages de la région) qui, dit-on, contraste avec le tact dont feraient preuve les militaires italiens ou espagnols. Pire encore, comme le notait Cécile Hennion dans son article du Monde du 3 octobre dernier, « Les griefs ne visent plus le seul comportement militaire, mais “la politique de la France au Liban”, perçue comme inéquitable et agressive à l’encontre du Hezbollah, très populaire dans cette région frontalière d’Israël. »
Cette perte de crédibilité de la France dans son rôle d’arbitre à la frontière libano-israélienne est tout à fait regrettable. Elle se traduit dans les confidences des Libanais que j’ai pu interroger, qui n’était pas tous chiites ou favorables au Hezbollah, mais aussi proches du Courant du futur, le parti du Premier ministre Saad Hariri, ce qui donne davantage de crédibilité à leurs propos. Pour les uns et les autres, depuis le départ de l’Elysée de Jacques Chirac, la position française, en rupture avec la tradition gaullienne, paraît s’être trop alignée sur celle des Etats-Unis. Et, comme il est fréquent dans les situations de tension, de folles rumeurs circulent, telle celle, aussi peu crédible que fort répandue, qui prétend que nos casques bleus transmettraient des renseignements aux forces israéliennes. En dépit des démentis de la Finul, le malaise persiste et il faudra sans doute déployer de nombreuses initiatives culturelles pour parvenir à restaurer l’image de la France dans cette partie du Liban.
Illustrations : Composition de Chartchai Supin - Composition de Thaier Helal - Composition de Zeina Assi - André Raffray, “Ambroise Vollard” - Affiche du film “Je veux voir”, de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige.