Les aveux sont ceux d’un jeune aristocrate irlandais Frederick St. John Vanderveld Montgomery inculpé et incarcéré pour l'enlèvement et le meurtre horrible, apparemment sans mobile, d'une jeune femme. Le roman n’est que le long monologue de l’assassin qui tente de justifier son crime devant ses juges. Il revient sur son passé, sur ses années d’errance et de débauche, sur tout ce qui pouvait laisser prévoir le crime jusqu’à ce qu’il comprenne enfin la nature de son mal et de sa folie : cette envie de mort dans un monde qui n’a pas de sens pour lui. Pas de dialogue dans cette confession, juste la parole et les réflexions du meurtrier. Je ne suis pas sûre d’avoir aimé cette longue confession d’un tueur cruel et prétentieux, trop bavard, trop égoccntrique, trop froid trop, trop, trop, bref très antipathique. Pas un seul instant je ne me suis attachée à lui! Peu m’importait son sort. J’ai rarement aussi peu ressenti d’intérêt pour un personnage de roman mais en même temps je savais que j’obéissais ainsi au désir de l’auteur.C’est ce qui a transformé cette lecture en expérience étonnante : je me suis sentie dominée de bout en bout non par le narrateur mais par l’auteur lui –même, baladée par lui où il voulait. Tout du long j’ai admiré sa façon d’écrire, précise, sèche, très efficace et somptueuse !
Place donc à l'écriture de Banville. Le moment du meurtreCe fut donc à partir de rêveries où se mêlaient confusément chevalerie errante, délivrance et récompense que naquit mon plan. Je vous assure, monsieur le juge, ma remarque n’a rien d’un artifice visant à me disculper ; je ne cherche qu’à expliquer mes motivations, je veux dire les plus profondes, si une telle chose est possible. Les pensées se pressaient dans ma tête, le sang pétillait dans mes veines. Je savais maintenant ce que j’allais faire. J’étais surexcité et en même temps, j’éprouvais une terreur profonde. …C’était comme si le cœur même des choses avait, l’espace d’un instant, cessé de battre. Ce fut ainsi que cette journée commença, comme elle allait se poursuivre, dans l’horreur.J’ai la conviction, la conviction sincère, que si je ne m’étais pas retrouvé coincé dans ce trou à rat, sans rien pour meubler le temps que mes sombres pensées, rien de tout cela ne se serait produit.Je plaiderai coupable, bien sûr, mais il me déplaît qu’on ne me laisse pas faire ma déposition, oui, ça, ça me déplaît. Ce n’est pas juste. Même un saligaud de mon espèce a droit à son jour de gloire. Je me suis toujours vu dans le box des accusés, le regard fixé droit devant moi, très calme , en tenue sport – comme les journaux me décriront - , en train de raconter, de ma fameuse voix autoritaire, ma vision des choses, avec mes mots à moi. Maintenant, voilà qu’on va me refuser même ce moment théâtral, le dernier, sûrement, que je connaîtrai dans cette vie. Non, ce n’est pas juste.
John Banville a reçu en 2005 le "Booker Price" pour son roman "The Sea". "Le livre des aveux " a été finaliste de ce même prix en 1989 mais c’est alors Kazuo Ishiguro qui l’a obtenu.Ys a beaucoup aiméLe livre des aveux de John Banville (Flammarion, 1989,221 p) Traduit de l’anglais (Irlande) par Michèle Albaret. Titre original : The Book of Evidence.