Qu’ils soient économistes, agronomes, ingénieurs, militants ou paysans, les histoires racontées par les multiples interviewés de Coline Serreau commencent de la même façon : à la suite des deux guerres mondiales, les vendeurs d’armes chimiques et de machines se sont reconverties à l’agriculture. La révolution agraire qui s’en suivit, prétendue nécessaire pour épargner les famines aux hommes, a asséchée les sols comme les paysans des quatre coins du monde. Ces derniers étaient désormais liés aux industriels de l'agro-alimentation qui leurs vendaient des produits et des semences dont,jusqu’ici la terre, généreuse et «maternelle», avait toujours su se passer. Certains d’entre eux ont avalé ce qui les avaient déjà tué économiquement : pesticides, insecticides et fongicides. Cependant, pour les Etats-Unis, cette Révolution « Verte » qui rendait la planète plus jaune était un argument sans pareil pour contrer «les rouges» : votre système collectiviste est hors de propos, pour nourrir les hommes il suffit du progrès technique. En réalité, l’argument sanitaire masquait une soif économique inassouvissable.
Depuis, (les années 70 ?) de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer cette triple spoliation du vivant : - spoliation par les industriels tels Monsanto qui le brevètent ou qui, via les pouvoirs publics, imposent aux agriculteurs de ne faire pousser qu’un nombre très restreint de variétés et font du plaisir gastronomique un jardin d’Eden perdu ; - spoliation de la terre par les grandes exploitations, lesquelles semblaient jusqu’ici être les seules à pouvoir résister face à cette marchandisation ; - spoliation de la planète aux hommes par les effets de la Révolution Verte qui détruisent les espèces et transforment la bonne terre, graine de « couscous », en « béton ».
Le film laisse à entendre certaines de ces voix :
- celle de Vandana Shiva, physicienne et l’une
- Pierre Rabhi, ouvrier agricole devenu l’un des pionniers de l’agriculture biologique. Il appelle ruraux ou citadins à redevenir autonome, soit en cultivant leur jardin, soit en se ravitaillant auprès de petits producteurs, afin de construire «des ponts» au-dessus d’un système qui nous ôte ce qui est à la fois notre devoir et notre droit : nous nourrir nous-même.
- Lydia et Claude Bourguignon, respectivement maître ès sciences agroalimentaire et ingénieur agronome. Ils ont quitté l’Institut national de recherche agronomique (Inra) suite à un désaccord sur les orientations de cette institution pour créer leur propre laboratoire (le Laboratoire d’Analyse Microbiologique des Sols). Ils prônent les rotations de culture et rappellent l’importance de faire cohabiter forets, élevage et agriculture.
- -Dominique Guillet : fondateur de l’association Kokopelli qui préserve les graines anciennes afn de lutter contre la confiscation de semences par les industriels. L’agriculteur Philippe Desbrosses fait de même. Il est pionnier de l’agriculture biologique en France.
- Joao Pedro Stedile, économiste brésilien et l’un des membres fondateurs du Mouvement sans terre ;
- Serge Latouche, économiste théoricien de la décroissance. Il rappelle qu’au rythme où les Occidentaux consomment, bien plus d’une planète serait nécessaire.
- Paysans brésiliens, indiens, français, etc.
Ces voix dénoncent et présentent des solutions. Elles prouvent que l’agriculture biologique est, finalement, bien plus rentable que l’intensive, puisque son bénéfice est d’ordre économique, écologique, esthétique et humain…
…afin que le spectateur, urbain, rural, agriculteur ou non, se mette à manger autrement. Un film non seulement à voir, mais à diffuser. Absolument.
Solutions locales pour un désordre global, de Coline Serreau, avril 2010, 1h53
Sortie en DVD le 2 novembre.
Pour en savoir plus : le site du film.