J’ai pas bien compris…

Par Bellgarath

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L’autre jour, en allumant la télévision, je suis tombée sur un monsieur en pleurs. L’homme a le visage marqué, buriné, les mains calleuses. C’est un producteur de pommes et de poires. Avec son béret sur la tête et ses façons un peu abruptes, le reportage sent bon le produit du terroir, la tradition, les compotes et le feu qui crépite dans la cheminée. On se demande presque où est Jean-Pierre Pernaud. Sauf que Jean-Pierre risque de se retrouver au chômage car tout ça va peut être disparaître.



Pourquoi ? parce que les producteurs français sont une espèce en voie de disparition, parce que la grande distribution ne pense qu’à ses marges, et que les gens ne savent pas consommer (on en avait déjà parlé là).

Pour bien comprendre la situation, on va faire comme les hommes (et les femmes) qui nous gouvernent, on va faire de la « real politique ». Posons donc l’énoncé du problème autrement :

Robert (appelons le Robert, il ne nous en voudra pas) produit des pommes en France. Entre l’exploitation des terres, les produits divers et variés (pesticide, insecticide…) et la main d’œuvre, produire des pommes coûtent 35 centimes par kilo à Robert.

Jean-François est acheteur négociant pour une grande surface. Son but est d’acheter pommes, poires ou cassoulet (selon les jours) au prix les plus bas. Après une recherche comparative de prix, il va finalement acheter ses pommes au Chili parce que c’est moins cher. Quand il s’intéresse quand même aux pommes de Robert, il propose de lui acheter à 25 centimes le kilo.

Micheline, la fameuse ménagère de moins de 50 ans, achète ses pommes 2€ le kilo en moyenne au Carrefour du coin (pour lequel Jean François officie).

La situation étant posée, combien d’argent Robert perd-il pour chaque kilo de pommes vendues à Jean-François ?

Combien d’argent Jean-François se met-il dans les poches entre l’achat à Robert et la vente à Micheline ?

Nul besoin d’avoir fait Science Po ou Math Spé pour se rendre compte que Robert ne peut pas continuer comme ça bien longtemps.

Nul besoin d’être un écologiste chevronné pour affirmer que les pommes qui viennent du Chili ont un bilan carbone beaucoup plus lourd que les pommes qui poussent en Normandie.

De plus, les législations agricoles diffèrent selon les pays : le Chili utilise un pesticide interdit en France, mais qui donne un bel aspect aux pommes.

Nul besoin d’être un esthète absolu pour savoir que plus joli = plus vendeur…

Mais entre le bilan carbone, les pesticides interdits et la mort lente de Robert, ça donne beaucoup moins envie de croquer dans les pomme chiliennes, non ?

Voici encore une autre aberration.

À côté de chez moi, il y a un Monoprix. J’y vais régulièrement parce que c’est pratique et qu’ils essaient de faire des actions un peu développement durable, comme avec le panier du producteur dont je vous avais déjà parlé.

Lors de mes petites courses hebdomadaires, l’œil éveillé à ces histoires de pommes chilienne, je constate avec émerveillement que toutes les pommes proposées sont d’origine Française. Yahou ! J’aime mon Monoprix qui m’aide à concilier pratique/écologique (pour l’économique, on repassera).

L’histoire se complique car, en discutant de tout ça avec ma môman, elle m’assure qu’à son Monoprix à elle, il n’y avait QUE des pommes du Chili !

Inutile de vous dire que ça, c’est nul. Mais alors vraiment nul pour une enseigne qui met des pingouins sur ses sacs réutilisables en symbole du développement durable, qui a sa propre gamme de produits labellisés écolo, qui fait ses livraisons en péniche pour économiser du CO2 et qui communique largement là dessus. Mais alors pour le 100% Chili, motus et bouche cousue hein !

(rassurez-vous, je n’ai rien contre le Chili, ni contre les chiliens qui sont, les pauvres, exploités pour engraisser Jean-François et ses potes)

Bref, même si Robert produit de façon à perte, un petit coup d’œil sur la provenance des fruits et légumes ne lui fait pas de mal. Les produits français ou étrangers sont en général vendus au même prix (ou quasiment). Alors quand c’est aussi simple de concilier écologie, économie et bon sens, moi je dis oui.

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Quelques infos complémentaires :

http://www.pleinchamp.com/article/detail.aspx?id=42208&menu_id=2&page=1&local=false&pub_id=2

http://www.hexaconso.fr/blog/?tag=pommes-de-france

http://limousin-poitou-charentes.france3.fr/emissions/c-est-mieux-le-matin/rubriques/ma-maison-mon-jardin/33898650-fr.php

http://www.francesoir.fr/alimentation/le-marche-de-la-pomme-est-devenu-fou.27245