[Critique dvd] La métamorphose des cloportes

Par Gicquel

« Pas un mot, pas un colis, pas un mandat, rien ! C’est drôle quand vous êtes en forme : ils sont toujours là. Ça s’appelle des amis … »

Boudard, Audiard, Ventura, Brasseur (Pierre) et les autres. Quarante cinq ans après, écrivain, dialoguiste ou acteurs, les voici immortalisés dans la série des grands classiques, ces films d’époque et d’atmosphère, à la Jean Gabin . « La métamorphose des cloportes » n’est peut-être pas un modèle du genre, Pierre Granier-Deferre balbutiant à l’époque ses premières mises en scène, avant de célébrer un peu plus tard le même Gabin dans «  La Horse » ou bien de retrouver Lino Ventura , dix ans après dans «  Adieu Poulet ».

Mais rien que le casting , doublé par l’écriture d’Audiard et Alphonse Boudard, c’est une page d’histoire importante  pour le filon du film noir et des gueules comme on n’en fait plus.

Celle de Ventura, par exemple , pas content du tout lorsque après avoir payé pour tous les copains ( cinq ans de prison ) il en ressort sans jamais avoir eu de leurs nouvelles . Si bien qu’il va maintenant en prendre, à sa façon et sans fioriture. Surtout que «  les cloportes » se sont rangés des voitures …

Le schéma est classique et c’est tout aussi pépère que Granier-Deferre entame les pourparlers. Je  ne pense pas qu’à l’époque sa méthode soit jugée révolutionnaire pour le septième art. Sa construction  (le montage ?  )  me paraît assez bizarre avec deux parties bien distinctes : celle du casse, au classicisme éprouvé, puis la descente aux enfers des anciens complices.

Aujourd’hui la mise en perspective rend ce film quasi anecdotique sur le plan formel, excepté les deux génériques qui se renvoient la balle de manière très pertinente.La caméra est bien figée et dans des situations tragi-comiques ( le film n’en manque pas ) elle ne suit pas le mouvement .Heureusement que Pierre Brasseur en collectionneur d’art , véreux en rajoute dans la grandiloquence théâtrale , et que Ventura gros bras et dindon de la farce sait ce que l’on attend de lui . Un numéros d’acteur.

BONUS

- Archives INA avec les interviews de LINO VENTURA, MICHEL AUDIARD, PIERRE GRANIER-DEFERRE, MAURICE BIRAUD…

C’est le chapitre le plus intéressant de ses suppléments puisque l’on y voit des scènes du tournage du film dont une séquence mise en scène entre Michel Audiard , et les acteurs qui viennent lui reprocher leur rôle . Ainsi Charles Aznavour , se plaint de ne pas avoir un personnage plus gentil « à l’image de mes chansons » . Le dialoguiste lui répond du tac au tac « avec la tête que tu as , tu ne vas quand même pas jouer le Docteur Schweitzer « .

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Le réalisateur s’exprime aussi ,notamment sur les décors , alors que tour à tour chaque comédien y va de son petit commentaire sur Audiard. Pour Aznavour, c’est Freud, alors que Pierre Brasseur estime que « c’est l’enfant naturel de Bernstein et Céline, d’Anouilh et Musset« .

Georges Géret, qui a joué les grands classiques au TNP (Théâtre national populaire) le voit plutôt entre Shakespeare et Paul Claudel

- QUAND GRANIER-DEFERRE RENCONTRE AUDIARD, par Jacques DURANT

Le biographe de Michel Audiard passe en revue la technique du dialoguiste « qui jamais ne venait sur les tournages. Mais comme il connaissait bien les acteurs , il les fréquentait beaucoup, il adaptait chaque fois son dialogue en fonction de leur personnalité . Il avait l’oreille ».

- GRANIER-DEFERRE ET L’ADAPTATION DE ROMANS, par Denys Granier-Deferre

Son fils raconte pourquoi son père préférait adapter , plutôt que de composer des histoires originales . « Face à Simenon, il était complexé, et se disait pourquoi je le ferais, car il le fait mieux que moi « .