Premier réflexe avant même d’ouvrir le livre ; chercher le sens du titre.Qu'est-ce qu’une boucanière? Une femme de mauvaise vie selon Littré, une aventurière dirais-je une fois le livre refermé, les boucaniers étant, eux, les pirates des Caraïbes qui chassaient les bœufs sauvages et écumaient les mers. De quoi est-il question ici? De cinq jeunes riches américaines fraîchement débarquées en Angleterre à la poursuite de bons partis à trouver dans la bonne société aristocratique pour ne plus se sentir snobées dans le milieu où elles désirent s’intégrer . Nous sommes à la fin du XIXème siècle, dans les années 1873/1877 et elles vont tour à tour étonner, éblouir puis terrifier les vieilles ladies et leur monde si rigoureusement codifié. Elles sont non seulement jeunes, belles et riches mais elles se veulent libres et libérées, se montrent volontiers volages, impertinentes, audacieuses, indépendantes, défauts ou qualités qui affolent leurs futures belles-mères car elles finiront par atteindre leur but et se trouveront des maris au pedigree sur mesure mais le bonheur, c’est autre chose et elles réagiront différemment face à cette constatation , chacune selon son tempérament, l’une allant même jusqu’à divorcer sans crainte du scandale ainsi déclenché, comme l’avait fait également Edith Wharton. Qui sont les cinq héroïnes que l’on découvre lors d’une course de chevaux à Saratoga, près de New York, par une journée de canicule et que nous suivrons très vite à Londres et ailleurs toujours dans de belles demeures?Ce sont les deux sœurs Virginia et Nan St. George, la première d’une grande beauté et la deuxième moins jolie mais plus sensible et plus intéressante. Viennent ensuite les deux sœurs Elmsworth, Liz, une autre beauté et Mabel, «à la silhouette osseuse». Enfin, la plus séductrice, Conchita Closson aux cheveux rouges et à l’audace sans fin. Toutes ces jeunes filles en fleurs vont débarquer en Europe toutes ensemble avec leur gouvernante Miss Testvalley pour affronter en guerrières averties et soudées les grandes familles de l’aristocratie anglaise et leurs rejetons empotés et peu reluisants. De tous les récits d’Edith Wharton lus jusqu’ici (Les New-Yorkaises, Le temps de l’innocence, La plénitude de la vie, La vue de Mrs Manstey), c’est celui que je préfère. Non seulement on y retrouve ce style raffiné, subtil, à la fois précis et imagé que j’aime mais également des portraits de femmes déjà modernes, drôles et décidées et malgré tout coincées entre leur désir très vif d’épanouissement personnel et le carcan étouffant des règles du monde qui les entoure. Comme d’habitude, avec cette romancière dont c’était le dernier roman resté inachevé, cette lecture, faite avec Maggie, a été pour moi un grand bonheur!
Autres points de vue; Lilly, Titine de Plaisirs à cultiver, CécileQde9,
Ce billet s’ajoute aux autres pour le Challenge Edith Wharton
Les Boucanières d’ Edith Wharton, (Points ; 512p)
Traduit de l’anglais, (Etats-Unis) par Gabrielle Rolin. 1938.Achevé par Marion Mainwaring.