Jean-Michel Hayat, président du tribunal de Nanterre, a accordé un entretien à Pascale Robert-Diard, journaliste au Monde. Le quotidien en a rendu compte dans son numéro daté du 26 octobre. Interrogé sur ce qui est devenu l’affaire Bettencourt, le magistrat déclare : « A l’origine, il y a le fait que des conversations à caractère privé, dans un lieu privé, ont donné lieu à des enregistrements clandestins et que ceux-ci ont été publiés. C’est un premier principe fondamental, l’intimité de la vie privée, qui a été mis à mal ».
Oui, et alors ? Il y a là présomption d’un délit et le procureur Courroye a diligenté une enquête préliminaire pour déterminer s’il y a eu ou non viol de la vie privée. En quoi le caractère clandestin de ces enregistrements interdirait-il de les exploiter pour rechercher la vérité dans cette affaire ? Evidemment, les propos qu’ils contiennent ne peuvent servir de preuves pour d’éventuelles infractions. Mais ils peuvent fournir des éléments qui pourraient être utilisés pour mener des investigations dans un cadre tout à fait légal. Même si le procédé peut être considéré comme déloyal, les écoutes téléphoniques sont fort utiles pour prévenir des délits ou aider à la résolution d’affaires criminelles. Certes, on objectera que ces écoutes doivent être approuvées par un juge mais de récents événements laissent à penser que le pouvoir n’hésite pas parfois à se passer de telles autorisations.
Imaginons que, pour tenter d’échapper à des policiers, des malfaiteurs en voiture empruntent un sens interdit. Selon toute vraisemblance, la voiture de police les suivra sans hésiter. Si les policiers parviennent à arrêter ces malfrats, est-ce qu’on les remettra en liberté parce la police n’aura pas respecté le code de la route ? Tous ces trémolos à propos du respect de la vie privée n’ont qu’un seul but : s’opposer à la manifestation de la vérité dans une affaire plutôt trouble.
Monsieur Hayat s’écrie, majestueux : « Cela veut dire que nous sommes tous comptables de l’image de la justice et que je ne laisserai pas les uns et les autres la flétrir. » Ah, c’est beau comme l’antique. Et qui donc la flétrit, sinon tous ceux qui s’opposent à une enquête menée par un juge indépendant ! Tel le procureur Courroye qui, début septembre déclarait au Monde qu’il ne voyait pas l’intérêt de nommer un juge d’instruction et que, de toute façon, le code de procédure pénale le lui interdisait.
Il se trouve qu’en France, la justice est rendue au nom du peuple français. Cet auguste personnage pourrait-il nous faire la grâce d’expliquer, aux manants que nous sommes, quels sont les textes précis qui mentionnent une telle interdiction ? Et il nous faut donc croire que Philippe Ingall-Montagnier, procureur général de Versailles, qui vient de lui ordonner d’ouvrir une instruction judiciaire, connaît bien mal son droit.
Enfin, la messe est dite. Du fait de tous ces atermoiements, il est fort probable que l’affaire ne vienne devant les tribunaux qu’en 2012, éventuellement après l’élection présidentielle. Allez Philippe, tu l’auras bien méritée, ta Grand-Croix !