[Critique DVD] Frank Borzage

Par Gicquel

Dans la série des films muets de la fin des années trente, ce coffret apparaît comme un rescapé du cinéma. Déjà que l’auteur est aujourd’hui plutôt oublié des aficionados, sa période sans parole m’était personnellement passée au-dessus.

« Lucky star » son dernier film muet ( 1929),surprend par son dépouillement et sa mise en scène minimaliste. La lumière y est blafarde, crépusculaire, comme annonciatrice de mauvaises nouvelles.Mais il est vrai qu’une scène mémorable est passée à la postérité cinéphilique, et sortie de son contexte, j’aurais été incapable de la situer. Deux hommes se battent au sommet d’un poteau électrique quand ils interceptent un message télégraphique qui leur annonce l’entrée en guerre des Etats-Unis. Nous sommes en 1917. Tim Osborne, l’un des deux hommes en reviendra, infirme. Mary, pour qui il s’était battu, l’attend…
Une histoire bien éternelle sur laquelle je ne m’étendrais pas, face à des interprétations obligatoirement datées. Constante chez le réalisateur : l’amour transcende toujours les milieux sociaux et les obstacles.

« L’heure suprême » est une superbe illustration, dans un décor au réalisme forcé, et un mélodrame comme on n’en voit plus depuis des lustres.

À Montmartre, l’égoutier Chico fait croire à la police que Diane, une jeune fille battue par sa sœur, est sa femme. Il lui évite ainsi la prison, et l’emmène chez lui, au septième étage d’un vieil immeuble mansardé, sous la voûte étoilée… Là encore, c’est la guerre qui va les séparer.

Avec L’Heure suprême, Frank Borzage remporte le tout premier Oscar® décerné à un réalisateur. Ce film est souvent comparé au chef-d’œuvre réalisé la même année : « L’Aurore »de F.W. Murnau. En réunissant pour la première fois Janet Gaynor (L’Ange de la rue) et Charles Farrell (Liliom), c’est toute la romance des faubourgs et des cœurs transis qui raclent le pavé parisien. L’absence de dialogues, renforce à mon sens le sentiment dramatique sans cesse en éveil dans les rapports humains. Le corps et le visage se concertent pour donner une expression encore plus criante. Et c’est avec beaucoup de plaisir que j’ai repris le cours de cette page de cinéma. Si vous l’aimez, sans retenue, il faut un jour revoir Borzage.

Franck Borzage est né en 1923 à Salt Lake City dans une famille d’origine italienne. Très jeune, il débute comme accessoiriste et garçon de courses dans une petite troupe de théâtre qui parcourt le pays, pour laquelle il lui arrive également d’interpréter des rôles. En 1912, Borzage arrive à Hollywood, comme accessoiriste et comédien pour différentes compagnies.


Engagé en 1925 par la Fox, il devient un des emblèmes de la firme aux côtés de Raoul Walsh et John Ford. Rien que ça ! Surnommé « le poète du couple », Borzage devient un des maîtres du mélodrame qu’il considère comme un genre complet, qui peut à la fois décrire les sentiments individuels et l’évolution d’une collectivité, d’une société voire du monde.
En 1927, Borzage reçoit un premier Oscar pour « Seventh Heaven » («  L’heure suprême »), puis un second, en 1931, pour Bad Girl. En 1933, fort de son succès, son adaptation cinématographique de A Farewell to Arms d’Hemigway est classée parmi les meilleurs films de cette année.

Coffret Frank Borzage
3 DVD

Noir & Blanc
Suppléments : un livret 76 pages exclusif !
Dvd 1 – L’heure suprême au septième ciel (20 mn)
Un entretien avec Hervé Dumont, historien du cinéma et auteur de Frank Borzage, Sarastro à Hollywood.
. Frank borzage – 11 Avril 1958 (27 mn)
Un entretien audio exclusif avec Frank Borzage sur les premières années et les grandes heures de sa carrière, de The Pitch o’Chance (1915) à Pavillon noir (1945).
. Screen directors playhouse : « Day is done » (1955 – n & b – 25 mn)
un film de Frank Borzage avec Rory Calhoun & Bobby Driscoll
Pendant la guerre de Corée, le soldat Zane découvre un clairon et apprend à se servir de l’instrument pour motiver les hommes…

Dvd 2 – L’ange de la rue
. Quête de la pureté (12 mn)
Avec Hervé Dumont
. Frank Borzage : les ailes du désir (15 mn) : une analyse de Michael Henry Wilson, historien du cinéma
« Chez Borzage, la passion est un levier prodigieux qui accomplit ce dont la raison, la science ou la médecine sont incapables. La seule aventure digne d’être vécue, c’est l’amour fou. »
. Screen directors playhouse : « a ticket for thaddeus » (1956 – N & B – 25 mn)
Un film de Frank Borzage avec Edmond O’Brien & Narda Onyx
Un immigré polonais souffrant d’un sentiment de persécution doit affronter la police après un accident d’automobile bénin…
DVD 3 – LUCKY STAR
. La femme au corbeau (THE RIVER – 1928/1929 – N & B – 54 mn)
Un film de Frank Borzage avec Mary Duncan & Charles Farrell
Un film mythique et perdu de Frank Borzage présenté dans sa version « reconstruite ».
. Commentaire audio d’hervé dumont-Anarchisme poétique (12 mn)
Avec Hervé Dumont
. Screen directors playhouse : « the day i met caruso » (1956 – N & B – 25 mn)
un film de Frank Borzage avec Lotfi Mansouri & Sandy Descher
Une petite fille élevée dans la tradition quaker voyage seule en train et fait la rencontre du célèbre chanteur d’opéra, Enrico Caruso…