Bonjour à celles et ceux qui écrivent, lisent, aiment la poésie
Bonjour aux zotres
Quelques infos intéressantes sur l'auteure ici et là
Portrait datant d'avril 1913 signé Philip Alexis de Laszlô (1869-1937). Elle ressemble à Marie Trintignant non ?
Hier, j'ai évoqué ici même la comtesse Anna de Noailles (1876-1933) dont je venais de découvrir un poème. J'en ai cherché d'autres sur le net et je suis tombée à la renverse tant la forme et le fond me séduisent, me parlent, m'émeuvent.
J'ai tout naturellement choisi de mettre en ligne Offrande (publié en 1907 dans le recueil Les éblouissements) car le premier vers parle de livres et de (jeunes) hommes, deux de mes passions... Plus sérieusement, ce poème est d'une force incroyable qui, je pense, résulte de la sincérité évidente qui en émane. En outre, l'idée de morsure dans les mots qui me plait tant et dont j'ai parlé pas plus tard qu'hier est ici plus que suggérée : elle est clairement mentionnée à la fin du premier vers.
Il y a surtout deux passages que je trouve admirables voire bouleversants :
"Et mon cœur faible et doux, qui eut tant de courage
Pour ce qu’il désirait."
"Les plus humbles errants, sur les plus tristes sables,
N’ont pas les pieds si nus."
En fait, je suis tombée à la renverse en lisant ce poème car, loin de moi la prétention de me comparer à l'auteure, mais tous les thèmes évoqués dans ses vers me sont chers et j'aurais pu les écrire sur le fond, sur la forme c'est évidemment une autre histoire...
Offrande
Mes livres je les fis pour vous, ô jeunes hommes,
Et j’ai laissé dedans,
Comme font les enfants qui mordent dans des pommes,
La marque de mes dents.
J’ai laissé mes deux mains sur la page étalées,
Et la tête en avant
J’ai pleuré, comme pleure au milieu de l’allée
Un orage crevant.
Je vous laisse, dans l’ombre amère de ce livre,
Mon regard et mon front,
Et mon âme toujours ardente et toujours ivre
Où vos mains traîneront.
Je vous laisse le clair soleil de mon visage,
Ses millions de rais,
Et mon cœur faible et doux, qui eut tant de courage
Pour ce qu’il désirait.
Je vous laisse ce cœur et toute son histoire,
Et sa douceur de lin,
Et l’aube de ma joue, et la nuit bleue et noire
Dont mes cheveux sont pleins.
Voyez comme vers vous, en robe misérable,
Mon Destin est venu,
Les plus humbles errants, sur les plus tristes sables,
N’ont pas les pieds si nus.
— Et je vous laisse, avec son feuillage et ses roses,
Le chaud jardin verni
Dont je parlais toujours ; — et mon chagrin sans cause,
Qui n’est jamais fini...