Dix-sept nouvelles, dont la construction est excitante : ce sont des labyrinthes et nous ne connaissons pas celui qui nous y guide. Le narrateur n’est en général pas l’auteur et il nous perd volontiers dans son récit, par jeu, bien sûr, et pour nous retrouver à la sortie. Qu’il fasse la critique de livres qui n’ont pas été écrits, qu’il nous emmène dans des villes qui n’existent pas (j’ai plusieurs fois pensé à Italo Calvino), qu’il étire le temps ou l’espace, son écriture est jubilatoire. J’ai souvent dû relire la nouvelle aussitôt après l’avoir lue une première fois, pour essayer de voir à quel moment il m’avait égaré, ou à quel paragraphe avait lieu le retournement de situation. Certains textes sont savants ou s’en donnent l’aspect. D’autres obligent le cerveau à une gymnastique inhabituelle. Ainsi de la Bibliothèque de Babel : « L’univers (que d’autres appellent la Bibliothèque)… » Ainsi de l’œuvre d’Herbert Quain, œuvre ramifiée qui nécessite un schéma pour être lue (mais nous ne lirons que l’analyse puisque l’œuvre n’existe pas !). Ainsi de Funes et la mémoire, où il est impossible de vivre le présent si le souvenir persiste dans ses moindres détails. Et de l’histoire de Hladik, qui demande une année de vie supplémentaire. Il faudrait s’arrêter sur chaque texte en espérant trouver enfin « ce labyrinthe, qui se compose d’une seule ligne droite et qui est invisible, incessant ».