Peu de commentateurs, peu de militants avaient prévu ce type de déroulement social. Les uns prenaient ce conflit à la suite des autres et pensaient que Nicolas Sarkozy allait une fois de plus en sortir vainqueur. D’autres pensaient que l’intersyndicale allait comme d’habitude se scinder grâce au savoir-faire du toujours là Nicolas Sarkozy. Les responsables politiques opposants « responsables », ceux qui fonctionnent avec le même logiciel que Nicolas Sarkozy, en ne coupant pas le cordon ombilical avec Lamy et Strauss-Khan, membres de la gouvernance mondiale et ordonnateurs de l’ordo-libéralisme, continuent de nous faire croire qu’il y a un problème de démographie pour les retraites et qu’il faut allonger la durée de cotisations. Mais ils ont de plus en plus de mal à « surfer » sur la contestation, eux qui espèrent que ce mouvement social va leur donner le pouvoir en 2012. Les derniers sont les « donneurs de conseils », ceux qui ont la « vérité révélée », ceux qui savent ce que les autres auraient dû faire, mais qui ne sont pas écoutés… tout en sachant que le premier qui quitte le mouvement est syndicalement et politiquement mort…
Tous ceux-là sont pris à contrepied. Une fois n’est pas coutume. Le mouvement social a décidé de maintenir une mobilisation de haut niveau avec un soutien populaire majoritaire. C’est une première. Nicolas Sarkozy s’arc-boute en bon représentant des grands capitalistes et de la gouvernance mondiale. C’est bien la première fois que tout se passe comme cela. C’est l’Intersyndicale qui a la main, ce qui aiguise les jalousies notamment des politiques. L’intersyndicale invite les salariés et les citoyens à remettre le couvert le 28 octobre et le 6 novembre.
Tout porte à croire que même si Nicolas Sarkozy passe en force comme c’est probable, le mouvement social est intact et son état d’esprit est de continuer la lutte. Déjà, le dossier dépendance dit improprement « du 5e risque » qui devait être bouclé fin 2010 après les retraites est programmé aujourd’hui pour une publication en juillet 2011. La fin du quinquennat ne se passera plus comme il l’avait prévu. Des questionnements se déploient dans la majorité présidentielle. Une nouvelle donne sociale et donc politique est ouverte par ce mouvement inédit.
Que faire ?
Beaucoup ont compris que la « victoire » de Sarkozy sur les retraites pourrait être en fait une victoire à la Pyrrhus, que son savoir-faire ne fonctionne plus. Malgré un soutien sans faille d’une télévision aux ordres. Malgré le durcissement de la presse écrite -on a même vu certains journaux de province critiquer le laxisme sarkozien et appeler à un gouvernement « fort et courageux ». Malgré les provocations du type « super-casseurs que l’on voit sur une vidéo remettre ensuite leur brassard de police ». La spirale de la crise est de plus en plus considérée comme probable.
Bien sûr, il faut continuer à soutenir et à amplifier le mouvement. Mais il est nécessaire d’expliquer en plus que nous ne sommes plus seulement dans un dossier donné, mais que l’enjeu est bel et bien la montée d’une conscience et que si on veut une bonne résolution du dossier des retraites, il va falloir penser à un dépassement du système politique actuel, car ce système est bloqué. Pour cela, il faut globaliser les combats, car la résolution d’un dossier demande d’en traiter d’autres (les liens entre la protection sociale, l’économie, la politique industrielle, la recherche et l’innovation, l’école, les services publics, l’Europe, les relations économiques et commerciales doivent être explicités dans les conférences publiques d’éducation populaire). L’augmentation des demandes d’orateurs dans des conférences publiques, la montée en puissance des cycles d’universités populaires souchés sur le mouvement social lui-même sont des signes qui ne trompent pas.1
Sur le chantier des modes d’action, l’Intersyndicale, peut-être même sans l’avoir totalement pensé, est en train d’initier une nouvelle méthode culturelle de combat : la manifestation pacifique de masse soutenue par une majorité du peuple et des couches populaires (ouvriers et employés, majoritaires dans le pays). Fini la « lutte juste » avec le peuple contre lui ! Et c’est tant mieux ! Bien que des militants restent accrochés aux modes d’action d’hier qui ont montré leurs inefficacités, se développe de plus en plus l’idée que c’est par cette nouvelle culture de combat que nous allons nous en sortir.
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