Les étudiants français feraient mieux de célébrer la réforme des retraites

Publié le 27 octobre 2010 par Copeau @Contrepoints

Publié sur le site du Mises Institute le 25 octobre 2010. Traduction Benoît Toussaint.

Les images de ces étudiants français en colère, brulant des voitures et manifestant dans les rues, ont envahi les écrans des télévisions du monde entier.

Malheureusement, plusieurs jeunes manifestants ont été gravement blessés. La jeunesse française n’hésite pas à descendre dans la rue, et pourtant le combat ne concerne ni l’enseignement, ni les politiques de formation professionnelle, mais la réforme qui repousse l’âge de départ à la retraite.

Pour sauver le système des retraites, le Parlement français est sur le point d’adopter une loi qui oblige les travailleurs à retarder de deux ans leur départ en retraite. Unis au sein d’une alliance improbable, le secondaire (lycée) et les étudiants ont rejoint les puissants syndicats français du public pour protester contre cette réforme. Pendant ce temps, les employés du secteur pétrolier ont procédé au blocage des raffineries du pays, créant une pénurie de carburant à l’échelle nationale, pour forcer le gouvernement à repenser son projet de loi. Les interviews réalisées par les médias français révèlent que les travailleurs âgés sont réticents à accepter une retraite plus tardive, tandis que les étudiants craignent de ne pas trouver d’emploi si les travailleurs âgés restent plus longtemps sur le marché du travail.

Les craintes des seniors sont bien fondées. Si l’on exclut la possibilité d’une privatisation du système de retraite, la France doit composer avec des options limitées. Elle pourrait :

a) reporter l’âge de départ à la retraite;

b) réduire le niveau des prestations;

c) augmenter les impôts;

d) augmenter le nombre d’actifs (libéraliser l’immigration),

e) ou augmenter la productivité et la croissance de l’économie.

Compte tenu de la politique française et de la crise financière mondiale, les propositions d) et e) sont peu probables. Restent les trois premières options.

Afin d’éviter que le déficit de 13 milliards de dollars annuels ne se creuse et atteigne les 123 milliards prévus pour 2050, le président Sarkozy a choisi la première option et a décidé de repousser l’âge de départ à la retraite. Toutefois, le Parlement français est loin de partager ses vues concernant le report de l’âge minimum de la retraite de 60 à 62 ans et l’accession à une retraite à taux plein de 65 à 67. Les travailleurs âgés ont raison de tenir compte du coût de l’allongement de la durée de travail découlant de cette réforme.

À première vue, les craintes des élèves semblent également justifiées. Si un travailleur âgé est obligé de travailler quelques années supplémentaires, il semble évident que cela retardera l’entrée d’un jeune sur le marché du travail. Si nous supposons qu’il y a un nombre fixe d’emplois, l’effet net sera de réduire les places disponibles pour les nouveaux entrants sur le marché du travail. Le chômage des jeunes étant d’ors et déjà incroyablement élevés – plus de 20% – il n’est pas étonnant que les étudiants envahissent les rues pour protester.

Toutefois, le fait que les étudiants soient dans les rues pour manifester contre cette réforme des retraites suggère que les professeurs et les politiciens méritent un 0 pointé. Ils n’ont pas réussi à expliquer ce que les économistes appellent le sophisme d’une masse fixe de travail. Les emplois ne sont pas fixes et ne dépendent pas exclusivement de l’offre de travail. Au contraire, ils proviennent principalement de la demande intérieure et mondiale pour les produits français (vins, parfums, ordinateurs, voitures, etc.) et les services (tourisme, services médicaux, de conseil en management, services bancaires, etc.). La cause sous-jacente du chômage des jeunes a – et continuera à avoir – beaucoup plus à voir avec des politiques de l’emploi inefficaces qui limitent la croissance de l’offre de travail, plutôt qu’avec la réforme des retraites.

A contrario, il y a nombre de raisons pour lesquelles les jeunes français devraient célébrer la réforme des retraites. Bien qu’ils devront probablement travailler plus longtemps, les jeunes doivent réaliser qu’ils vivront plus longtemps. L’effet net de cette évolution devrait porter leurs années de retraite à un niveau au moins égal à celui de leurs parents.

Envisageons une alternative possible à la réforme en cours. Supposons que le gouvernement décide finalement d’augmenter les impôts. Cette solution écraserait l’activité économique et la création d’emplois. Dans cette hypothèse, la part de financement la plus lourde devrait être supportée par les travailleurs futurs, c’est à dire les étudiants qui manifestent aujourd’hui.

La génération des baby-boomers prendra bientôt sa retraite. Dans le cadre du système par répartition, de moins en moins d’actifs pourront donc payer les pensions. Cela signifie que ceux qui travaillent finiront par être obligés de payer une part plus grande de cotisations sur leur revenu. Si les jeunes rechignent à payer plus que les 50% de cotisations sur salaire complet que paient actuellement leurs parents, le seul choix restant sera de réduire le niveau des pensions.

Suite à la décision du gouvernement français de ne pas augmenter les impôts et, au contraire, de reporter l’âge légal de départ à la retraite, les jeunes devront payer des impôts futurs moins élevés que la normale. Cela garantit également qu’ils bénéficieront de possibilités de travail plus grandes tant que les entreprises ne seront pas pénalisées par de nouvelles taxes.

Au lieu de protester contre cette réforme des retraites, les jeunes devraient la célébrer. Elle réduit la charge pesant sur l’avenir des jeunes d’aujourd’hui, et crée de nouveaux emplois et une meilleure qualité de pension pour demain.

Et plus important encore, en réduisant la dette publique (passif non capitalisé), la réforme des retraites garantit non seulement une meilleure notation des obligations, mais signale également au monde que la France s’est engagée à satisfaire aux exigences de Maastricht pour des politiques plus stables et plus responsables d’un point de vue financier (fiscalité et de dépenses). Il s’agit d’un élément clé de la sécurité que cherchent les entrepreneurs pour lancer de nouvelles affaires, et donc il encourage la création d’entreprises et la création d’emplois. L’autre élément clé est la politique du marché du travail.

Si les élèves sont enclins à protester, ils devraient envisager de manifester contre les mandats qui détruisent des emplois, les restrictions, les lois et les règlements qui renforcent les réticences des employeurs à embaucher des jeunes. Ils doivent également manifester en faveur de la libéralisation de l’économie et l’achèvement du cycle de développement de Doha. Ils doivent manifester en faveur d’un accroissement des échanges commerciaux afin de faire de la France une destination attrayante pour les investissements étrangers qui garantissent la croissance des offres d’emploi. Manifester afin de mettre fin au cycle de négociations commerciales de Doha serait le meilleur programme d’emploi pour la France – et pour le monde.

Il est important pour les étudiants français de prendre du recul. Ils livrent peut-être la mauvaise bataille. Les jeunes devraient célébrer la réforme des retraites. S’ils éprouvent le besoin de manifester, ils devraient attaquer la politique de l’emploi de la France et promouvoir la libéralisation des échanges.

François Melese est professeur d’économie et directeur exécutif adjoint de l’Institut de gestion des ressources de la Défense (DRMI) à la Naval Postgraduate School de Monterey, en Californie.