Au début, les commentateurs de gauche ont ignoré les Tea Parties. Pendant tout l’été 2009, leurs rassemblements ne recevaient aucune couverture, à part sur la chaine Fox. Ensuite, comme ça a continué de croitre, ils ont ricané : quel lamentable ramassis de beaufs, de fanas de la constitution, de fadas des théories du complot, d’édentés des Appalaches et d’accros de la survie en milieu hostile. Quand ces frondeurs risibles ont commencé à gagner des primaires, les grands pontes ont écrit qu’ils avaient rendu le parti Républicain inéligible. Maintenant, une semaine avant la date de l’élection, les éditorialistes ont bien du trouver une nouvelle ligne. Sans surprise, ils ont fait sonner l’argument que les membres des Tea Parties sont une bande de lourdauds, de dupes manipulées par de puissantes corporations droitières.
On trouve un classique du genre dans le Guardian d’hier. George Monbiot décrit le mouvement Tea Party comme « l’un des plus grands exercices de fausse conscience que le monde a jamais vu » et enchaine en écrivant que les pauvres idiots trompés qui se regroupent lors de ces rassemblements sont les marionnettes de deux industriels fortunés, Charles et David Koch.
« Fausse conscience » , une expression qui en dit long. Elle a été inventée par Friedrich Engels, et est devenue un pilier de la théorie marxiste. Marx avançait l’argument que, comme les prolétaires ne comprenaient pas toujours leurs vrais intérêts, la démocratie pouvait donner lieu à des abus. Des éléments réactionnaires et bourgeois pouvaient faire croire aux prolétaires qu’ils voulaient une chose alors même que ce dont ils avaient réellement besoin était autre chose. C’est cette doctrine de la fausse conscience que Lénine et Staline ont utilisée plus tard pour justifier leur tyrannie.
Très peu de commentateurs, ces derniers temps, ont une nostalgie consciente pour un retour à l’URSS. Mais nombreux sont ceux qui s’accrochent, tout comme Marx, à un certain dédain de l’électorat : un malaise à l’idée que, si on les laissait faire, ils pourraient bien voter pour une réduction des impôts et taxes, et non pas pour l’étatisme éco-correct qui est leur « vrai » intérêt. Ce qui se cache derrière de nombreuses attaques contre le mouvement Tea Party, c’est une attitude équivoque au sujet de la démocratie. Car ce mouvement est un produit du processus électoral peut-être le plus réactif de la planète : les primaires ouvertes. En Grande Bretagen et en Europe, la sélection fermée des candidats permet d’exclure des courants substantiels d’opinion des assemblées nationales. Ouvrez la porte à ce que plus de gens aient leur mot à dire sur qui devrait être leur député, et vous risquez d’avoir sur les bras une campagne populaire venant de tous les coins contre les impôts et les taxes.
L’idée que le mouvement Tea Party est du gazon artificiel, c’est à dire du faux « grassroots » ne colle tout simplement pas. Franchement, les frères Koch financent des campagnes en faveur de marché libre depuis les années 70 sans jamais avoir déclenché rien de semblable à cela. Non pas qu’il y ait le moindre mal à ce que des riches dépensent leur argent sur des causes plutôt que sur eux-mêmes. Au contraire, nous devrions célébrer les donations politiques. Moi-même je contribue à petite échelle à diverses campagnes et organisations caritatives; je suis sûr que George Monbiot en fait de même. La seule différence avec les Koch est une question d’échelle : eux sont fortunés, et grand bien leur fasse.
Non, les Tea Parties sont une espèce rare, un authentique mouvement populaire spontané. Sa cause proxime est assez facile à discerner : l’Etat US est 30% plus gros qu’il ne l’était il y a 2 ans, une situation que les deux principaux partis eux-même auraient jugée impensable pas plus loin qu’en 2007.
Après avoir décrit le mouvement Tea Party comme une populace de dérangés, les commentateurs de gauche doivent désormais expliquer comment les aliénés ont bien pu prendre le contrôle de l’asile. Peut-être devraient-ils prendre en compte l’explication la plus évidente : qu’il pourrait bien ne pas s’agir de lunatiques du tout.
Je ne roule pas spécialement pour le mouvement Tea Party. Je suis bien convaincu que, comme toute grande organisation, il contient sa dose d’excentriques. Mais l’idée qu’en appeler à une réduction de la taxation, des dépenses et de l’endettement, serait en soi de l’extrémisme, est asinienne. Et voilà de quoi il en retourne : ce n’est plus ni George Monbiot ni moi qui décident de ce qui est « extrême ». C’est bien cela que signifie le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.
Un article du blog de Daniel Hannan hébergé par le Telegraph, repris avec l’aimable autorisation de son auteur.