D'abord jeune premier dans un théâtre noir de Harlem (en concurrence avec Harry Belafonte), il tient bientôt à Hollywood des rôles de plus en plus importants. Il sera l'un des premiers acteurs noirs à jouer les jeunes premiers, le premier aussi à recevoir, en 1963, la récompense suprême de l'Oscar.
Avant lui, le "problème noir" n'existe tout simplement pas dans l'industrie du rêve américain, même si un acteur comme Paul Robeson a puissamment contribué à populariser la lutte pour les droits civiques. N'hésitant pas à faire modifier les scénarios qu'il juge trop mous ou trop timides, Sidney Poitier, en accédant au statut de star, offre à toute une génération l'image et l'espoir d'une égalité encore proscrite par la loi.
Jamais dupe de son rôle de "caution" dans un système qu'il combat discrètement, aux côtés notamment de Martin Luther King, il revendique avec une égale fermeté d'être jugé sur autre chose que sa couleur. A-t-il donné à l'Amérique blanche, comme le Black Power l'en accusera, la seule image de Noir qu'elle puisse accepter, celle, lisse et soumise, d'un "assimilé" ? Refusant toujours d'adopter des armes et des mots qui ne sont pas les siens, il évite de répondre directement à ces attaques.
Avec le recul du temps, il incarne surtout une conscience sûre d'elle-même, doublée d'une vraie passion pour le métier d'acteur, puis de réalisateur. Mêlant le destin exceptionnel de Sidney Poitier à celui de la communauté afro-américaine, ce portrait très riche offre un voyage à travers trois décennies de films et de combats politiques, en s'appuyant sur les témoignages de Danny Glover ou des anciennes Black Panthers Kathleen Cleaver et Angela Davis, sans oublier les extraits d'entretiens accordés jadis par l'acteur.
Réalisation : Catherine Arnaud