Et si un jour les électeurs se mettaient en gréve ?
Ô bon électeur, inexprimable imbécile, pauvre hčre, si, au lieu de te laisser prendre aux rengaines absurdes que te débitent chaque matin, pour un sou, les journaux grands ou petits, bleus ou noirs, blancs ou rouges, et qui sont payés pour avoir ta peau ; si, au lieu de croire aux chimériques flatteries dont on caresse ta vanité, dont on entoure ta lamentable souveraineté en guenilles, si, au lieu de t'arręter, éternel badaud, devant les lourdes duperies des programmes ; si tu lisais parfois, au coin du feu, Schopenhauer et Max Nordau, deux philosophes qui en savent long sur tes maîtres et sur toi, peut-ętre apprendrais-tu des choses étonnantes et utiles. Peut-ętre aussi, aprčs les avoir lus, serais-tu moins empressé ŕ revętir ton air grave et ta belle redingote, ŕ courir ensuite vers les urnes homicides oů, quelque nom que tu mettes, tu mets d'avance le nom de ton plus mortel ennemi. Ils te diraient, en connaisseurs d'humanité, que la politique est un abominable mensonge, que tout y est ŕ l'envers du bon sens, de la justice et du droit, et que tu n'as rien ŕ y voir, toi dont le compte est réglé au grand livre des destinées humaines.